terre-vue-d-anouck

Des mots couchés sur pixel

Mardi 10 août 2010 à 22:45

Chapitre 11 : Les artefacts

Une fois dehors ils virent la grandeur des falaises entourant la vallée suivie de l'immense étendue sableuse où la tempête faisait encore rage. Le cheval broutait non loin. Line alla directement vers lui et se mit à chanter d'une voix douce l'air depuis longtemps perpétué que Link utilisa pour apprivoiser Epona. Doucement l'équidé remua les oreilles et les tourna vers elle puis il s'approcha et posa ses naseaux sur la main tendue de la jeune fille.
- Je vais t'appeler Anope, dit-elle tendrement, car je suis sûre que tu es un descendant d'Epona !
Zinéta et Giro s'avancèrent à leur tour. Le jeune garçon flatta l'encolure mais alors que Zinéta s'approchait, Anope recula craintivement.
- Je n'ai jamais eu autant de promiscuité que vous avec les animaux, désolée, dit-elle en rougissant et baissant les yeux.
La fée observait cette scène avec un sourire. Elle était heureuse d'avoir effectué cette partie de la mission et désormais tout ne reposait plus uniquement sur ses épaules, ce qui la rassurait et lui permettait d'avoir le cœur plus léger quant aux épreuves à venir. Un sentiment d'unicité se dégageait du groupe d'enfants et elle comprit alors pourquoi la Triforce était d'un si grand pouvoir. Séparés dans des voies et des objectifs différents chacun des pouvoirs ne pouvait que s'affronter, mais réunis ils s'équilibraient sur une balance à trois branches et dégageaient une forte aura, donnant l'impression qu'ils étaient intouchables. « Nous avons une chance », se dit la créature, « et non pas, comme je l'ai cru au début, de se battre quitte à mourir pour réduire les ténèbres, mais bel et bien de vaincre et de former un monde nouveau... ». Un cri la sortit de ses pensées.
- Regardez, sur son dos !
La fillette s'approcha en volant et vit que Zinéta montrait du doigt l'arrosoir qu'elle y avait accroché avec une cordelette de ses cheveux tissés. Line s'avança et décrocha l'ustensile puis le tendit à sa camarade.
- Il est de nacre et il y a écrit « Trouvez mes deux compagnons, pour vaincre les démons. ». C'est l'un des trois artefacts de la légende ! s'écria-t-elle avec un grand sourire. Et en voici la preuve.
Avec sa manche elle en frotta l'anse qui était restée jaunie par le sable. Là se trouvaient gravées des runes d'un langage inconnu qui tournaient autour de haut en bas.
- C'est de l'hylien ancien. Bien avant le temps où Link et la princesse Zelda renvoyèrent Ganondorf dans l'ombre, ce langage était utilisé. Il est écrit « Cadeau des Zora au roi Daphnes Mondar I ». Et si cela ne suffisait pas il y a bien sûr son pouvoir ! « Vide à jamais tu seras mais celui qui d'eau nourrissante aura besoin, saura le trouver en ton sein. ».
Sur ces mots elle agita l'arrosoir qui n'émit aucun bruit, puis le penchant vers l'avant ils purent tous admirer le miracle que la fée avait déjà pu observer. A chaque goutte qui touchait le sol une fine tige verte s'élevait et au fur et à mesure ce ne fut plus seulement de l'herbe mais des fleurs et des plantes grimpantes et enfin un arbrisseau qui apparurent. L'air était désormais emplit d'une douce saveur exotique ravissant l'odorat alors que les couleurs puissantes des fleurs donnaient l'impression en les regardant que pour la première fois on avait ouvert les yeux sur le monde. On pouvait appeler le rouge, « rouge » et le printemps semblait s'installer autour de soi rien qu'en se plongeant dans le vert des feuillages. Au bout d'un moment pourtant elles se mirent à flétrir et seul le sable resta, là où un jardin étendait quelques secondes avant son ombre. Ils frémirent tous à la disparition de la dernière tige et ce fut comme si tout bonheur s'était enfui de leurs cœurs. Cependant ils se reprirent bien vite car le charme magique de cet artefact avait une durée limitée et leurs esprits furent de nouveau éclairés par la réalité. Ils observaient la tempête de sable, se préparant à une difficile traversée lorsque, comme influencée par le pouvoir détenu par les enfants, elle diminua en ampleur jusqu'à ne devenir qu'un faible vent balayant le sable. Line accrocha à nouveau l'arrosoir sur Anope puis ils partirent.
Il était déjà le début de l'après-midi mais ils avançaient d'un bon pas. Line courrait et s'amusait, faisant des roulades et des bonds, sa période de léthargie n'avait pas affecté ses muscles et elle était trop heureuse de retrouver sa liberté. Zinéta riait en la regardant et Giro avait remonté sa cape noire jusqu'à son nez si bien qu'on n'apercevait que ses yeux bleus scrutant les alentours. Dans ses mains, il serrait l'encyclopédie des monstres. La fée, quant à elle, était allongée sur le dos d'Anope et regardait le ciel. Certaines questions, qu'elle partageait avec Giro sans le savoir, revenaient à son esprit. Pourquoi aucun être maléfique n'avait tenté de l'arrêter ? Avaient-ils été détruits dans leurs propres colères et conflits ? Mais dans ce cas pourquoi la nature ne s'était pas régénérée ? Non il y avait une puissance ténébreuse qui étendait encore ses bras sur le monde et il leur faudrait la combattre. Quelle était-elle ? Y'avait-il toujours un groupe de mages noirs comme dans la légende, ou l'un d'eux avait-il dominé et pris le pouvoir ? Elle aurait aimé en savoir davantage mais le destin semblait se complaire à ne leur donner des informations qu'au compte-goutte. L'assoupissement la gagna au milieu de ces idées troublantes et elle s'éveilla après avoir fait un magnifique rêve qu'elle oublia immédiatement. A la nuit tombée ils avaient atteint l'oasis. Ils poursuivirent jusqu'à l'endroit où la fée avait trouvé l'arrosoir puisqu'il n'y avait qu'une heure de route et que le vent du désert était très froid la nuit. C'est donc abrités par les hautes falaises entourant l'entrée de l'étendue sableuse qu'ils s'assoupirent. Il n'y eut pas d'incidents pendant la nuit et l'aube s'était levée depuis plus d'une heure quand ils s'éveillèrent. La fillette ailée les guida alors jusqu'à la plaine.

Ce fut le vrai choc pour les trois jeunes gens. Le désert pour eux n'était pas un lieu de leur vie habituelle et ils en avaient très peu de souvenirs mais la plaine… Pour eux c'était un synonyme de fraicheur, de paix, d'un vaste univers verdoyant et calme où les animaux se promenaient souvent librement. Devant eux ce n'était que désolation, rouge et noir, ténèbres et mort. Un désespoir puissant s'empara d'eux alors qu'ils voyaient enfin l'ampleur du pouvoir adverse et de leur tâche. Même s'ils le vainquaient un jour, rien ne serait comme avant. Zinéta tomba à genoux et se mit à pleurer en serrant ses bras autour d'elle, comme aux prises d'une grande douleur. Line était comme paralysée, tremblante et les poings serrés. Quant à Giro, ses yeux, seul élément visible de son visage couvert, étaient écarquillés comme sous l'effet d'une grande terreur. La fillette ailée les observa un moment puis passa de l'un à l'autre pour les rassurer en faisant tomber de la poussière magique de ses ailes dans un tintement mélodieux. Ils durent faire une pause avant de repartir car l'émotion avait été telle, qu'elle leur avait enlevé toutes leurs forces. Ils ne parlèrent pas entre eux et c'est silencieusement qu'ils reprirent leur route. Zinéta était très pâle et la fée s'inquiétait pour elle, restant à ses côtés car la jeune fille semblait sur le point de s'évanouir. Ils s'arrêtèrent arrivés au centre de la plaine et se demandèrent comment ils devaient agir maintenant. Il n'y avait aucune nourriture alentour et la faim commençait à être insoutenable.
- Il faut trouver à manger.
Disant cela, Line se tourna vers Zinéta qui semblait perdre des forces à chaque instant qui passait.
- Nous avons plusieurs choix de directions. Le lac, la montagne, le bourg ou la forêt.
Ils regardèrent vers chacun de ces lieux. La montagne était rocheuse et il y avait peu de chances qu'ils trouvent quelque nourriture que ce soit. Le lac était sans doute utile pour récupérer de l'eau mais à part des racines comestibles il n'y avait pas grand-chose. La forêt semblait un bon choix si les arbres noircis et tombés qu'ils apercevaient de là ne les avaient pas dissuadés. Ils supposèrent qu'il restait peut-être quelques vivres dans le bourg désolé que leur amie n'avait fait que traverser et ils pourraient trouver un lieu abrité pour y passer la nuit. Ils avancèrent donc dans cette direction, assez lentement car le cheval ne pouvait porter que deux des enfants à la fois et pour ne pas le fatiguer, ils ne montaient qu'un à un. Seule Zinéta ne s'approcha pas de la selle car Anope semblait toujours la rejeter et bientôt elle fut très fatiguée. Giro qui venait de chevaucher la regardait du coin de l'œil, elle semblait être sur le point de s'endormir, sa tête dodelinant de droite à gauche. Il s'approcha rapidement d'elle quand elle trébucha et la hissa sur son dos. Elle s'était assoupie. Ils reprirent ainsi la route.
Au début de l'après-midi, alors que le gargouillis de leurs estomacs accompagnait chacun de leurs pas, ils atteignirent le bourg. Ils cherchèrent tout d'abord de la nourriture et des armes car plus le temps passait et plus la méfiance s'accentuait quant aux plans de leurs ennemis. Dans une auberge dont la toiture avait été arrachée, révélant au ciel les poutres de sa structure, la lourde trappe d'une cave avait été dissimulée par un vaisselier tombé dessus et après des efforts douloureux, espérant qu'ils n'utilisaient pas leurs dernières forces en vain, les jeunes gens parvinrent à l'ouvrir et découvrir de nombreuses denrées. Une odeur de pourriture flottait dans l'air et des champignons avaient poussé dans l'humidité du sous-sol mais des fruits secs, des fèves, du riz, de pâtes et du vin restaient en assez grande quantité. Après avoir mangé, il leur fut plus facile de poursuivre les recherches. Au marché, des sacoches de cuir de belle manufacture furent récupérées puis chez le forgeron une épée pour Line (qui afficha un air un peu déçu en jetant un œil à la lame bleutée de la fée) et deux dagues pour Giro et Zinéta, les seuls objets qui n'avaient pas été écrasés sous les décombres ou déformés par la magie puissante qui avait opéré en ce lieu. De retour à l'auberge, ils remplirent leurs sacs puis traînèrent des matelas de paille sous une toiture plus solide. Il faisait nuit quand ils s'installèrent et s'assoupirent dans leur abri de fortune. Aucun d'eux ne veilla assez pour voir une fumée bleutée s'élever en volutes dansants au-dessus du mont du péril.

A l'aube ils reprirent la route après un bon petit déjeuner dans la cave de l'auberge. L'air était étrangement lourd et une odeur gênante les prenait à la gorge. Arrivés au milieu de la plaine cependant, ils se sentirent plus légers et repartirent d'un bon pas après une courte pose. Ils avaient décidé d'aller au lac car s'ils avaient déjà découvert le présent des Zora au roi de la légende il n'était pas dans le lieu qu'ils auraient imaginé. Ils avaient donc supposé que le sabre serti de rubis des Gerudo était soit au lac, soit à la montagne et entreprendre l'ascension d'un tel monticule leur semblait l'étape la plus difficile. Aussi il était préférable de vérifier qu'ils ne faisaient pas erreur en allant d'abord au point d'eau, plus accessible. Durant le cheminement, Line commença à initier la fillette ailée au maniement de Balicurex.
- Tu as déjà appris qu'elle pouvait servir de clé dans certains socles en nous libérant, dit-elle. Sache aussi que la lame peut se diviser en deux pour frapper de plusieurs côtés.
-Euh… A vrai dire, elle se cisaille en cinq, répondit la fillette.
- Comment ?! s'exclama Line surprise, attirant l'attention de Zinéta et Giro.
Ils s'approchèrent et la fée fit une démonstration sous leurs regards ébahis.
- Waaaah ! Comment tu as fait ça !? reprit la jeune fille brune.
- C'est Balicurex qui s'est métamorphosée ainsi, depuis je ressens sa lame comme si elle était ma main.
Pour le leur prouver, elle bougea chaque doigt, ferma la lame en un poing et l'ouvrit de nouveau.
- C'est super ! Je ne savais même pas que c'était possible !
- Moi non plus, répondit Balicurex.
Line resta un instant à réfléchir mais bientôt l'entraînement reprit. Arrachant de petites branches à un arbre mort allongé près de l'ancienne route, elle se mit à attaquer son amie qui apprenait ainsi les coups d'estoc, de taille, l'attaque tourbillon, l'attaque sautée et comment parer. Les enchaînements étaient si prenants qu'elles auraient quitté la bonne direction si Giro et Zinéta ne les avaient pas rattrapées. Vers midi ils firent à nouveau une pause en mangeant peu de nourriture. La terre devenait plus humide et le sol plus poreux. Bientôt les premiers reflets de l'eau se virent au loin, séparés d'eux par une étendue de plaine et la petite vallée qui menait au lac. Vers le milieu de l'après-midi ils parvinrent enfin aux rives. Line et la fée étaient très fatiguées aussi s'allongèrent-elles pendant que Giro et Zinéta cherchaient des indices. Ils retournèrent bientôt près d'elles avec des racines pour seule trouvaille. La créature ailée en prit un centimètre et alla voleter ça et là en la grignotant et en agitant sa lame dans le vide, répétant les mouvements qu'elle avait appris. Il était très important de réussir son apprentissage pour pouvoir combattre les monstres car elle se disait enfin que peut-être Balicurex était bien destinée à rester à son bras. Son regard fut attiré par un mouvement au fond de l'eau à quelques mètres de la rive où ses amis se trouvaient. S'approchant, elle avisa un gros poisson aux reflets rouges qui la fixait de ses yeux ronds. D'un battement d'aile, la créature s'éloigna pour éviter qu'il ne la prenne pour un insecte mais soudain l'animal devint comme fou et s'élançant en l'air, la goba. Cependant au lieu de retomber dans le lac, il resta figé ainsi en suspension. Une fumée noire l'enveloppa et sous le regard terrifié des trois jeunes gens il enfla jusqu'à faire près de vingt mètres de long. Zinéta se mit à trembler, son visage devint blanc et se couvrit de sueur. Line indiqua d'un geste à Giro de s'occuper d'elle et dégainant son épée, elle s'avança vers le monstre et attira bien vite son attention en portant le premier coup à la lèvre inférieure de la créature avant de reculer en un saut périlleux arrière. A chaque seconde qui s'égrainait la peur de ce qui était arrivé à ses deux amies grandissait et envahissait son esprit. Heureusement son courage lui permit de faire face et de se reprendre avant la prochaine attaque du monstre qui écrasa avec violence une de ses nageoires la manquant de peu et déclenchant une grande vague qui la trempa. Line se retourna un instant pour voir que Giro avait porté Zinéta à l'abri d'un rocher et revenait en courant vers l'arène. Elle agita ses cheveux bruns alourdis par l'eau puis se précipita dans la bataille, il fallait trouver le point faible de ce tas de chair et de haine qui se dressait devant eux. Dans un enchaînement rapide et adroit elle frappa ses lèvres, des nageoires et un bout de ventre qui était visible. Rien ne semblait faire effet. Giro la rejoignit en même temps qu'il rangeait l'encyclopédie dans son sac.
- C'est un Dichentraure. Son point faible se situe au bas de sa queue. Il peut envoyer différents projectiles d'eau avec sa bouche et a une force phénoménale. Il grossit encore plus s'il est énervé…
Ils sautèrent chacun de côté alors qu'une bulle d'eau s'abattait entre eux de la bouche du poisson.
- J'attire son attention et tu t'occupes de sa queue, ordonna Line. Ta dague ne te permettra pas de le prendre de front, mais mon épée si.
Dans un cri de guerre, elle courut vers le monstre et fut ravie de voir ses yeux se fixer sur chacun de ses mouvements. Arrivée devant ses mâchoires qui s'écartaient, prêtes à lui lancer un jet d'eau puissant, elle sauta et atterrit sur le haut de sa tête. Elle la frappa ainsi que la nageoire dorsale mais rien ne semblait fonctionner. Un gargouillement ressemblant à un rire lugubre se fit entendre. Pas plus déconcertée que ça, Line assena encore des coups sur tous les endroits qu'elle pouvait atteindre et soudain, empoigna la garde à deux mains pour enfoncer la lame dans l'œil du monstre. Dans un cri strident l'épée s'enfonça et le Dichentraure ferma sa paupière, la déchirant sur le flan aiguisé et bloquant l'arme dans sa blessure. Un flot de sang s'écoula. La jeune fille regarda la queue de la créature s'abattre furieusement sur les flots.
- Giro ! hurla-t-elle en voyant un morceau déchiré de sa cape flotter sur l'eau déchaînée.
Sans plus réfléchir elle courut sur le dos glissant du poisson et prenant son élan, plongea dans les vagues. Elle en ressortit, un peu sonnée, cherchant alentour une trace de son ami. S'enfonçant à nouveau sous l'eau elle aperçut enfin une botte et une jambe dissimulée sous la queue du monstre. Nageant de toutes ses forces, elle trouva Giro accroché sur le côté de l'appendice caudal où il avait planté sa dague, malmené par les vagues, épuisé, les yeux se fermant. Elle le récupéra tant bien que mal quand le Dichentraure remua fortement, les envoyant dans un tourbillon écumant. Dès que Line eut retrouvé ses repères, elle remonta à la surface et traîna le corps de son ami jusqu'à la rive. Il était dans un sale état, une partie de son torse avait été lacérée par les rayons épineux des nageoires et l'épuisement de sa longue apnée avait teinté ses lèvres de reflets bleutés. Enrageant, Line l'écarta de la rive puis se tourna vers le monstre. Un cri affaiblit lui parvint alors.
- Liiiiine !! Je suis en vie ! Je suis dans la bouche du poisson !
C'était la voix de la fée qui était parvenue à planter sa lame, tel un hameçon dans la gencive de la créature.
- Je vais essayer de sortir ! cria-t-elle.
La jeune fille entendit des bruits de combat et de chair arrachée et une vibration puis un hurlement s'échappèrent du corps du poisson. Et soudain la fumée noire réapparut et le monstre grandit encore davantage.
- Arrête ! Il grandit ! s'écria Line.
- Quoi ?!
- Non attends ! Continue plutôt ! poursuivit-elle, revigorée tout à coup.
- J'arrête ou je continue ?? demanda la fillette ailée qui n'était pas sûre d'avoir entendu correctement.
- CONTINUE ! hurla Line impatiente.
La petite créature poursuivit donc ses attaques, ne comprenant pas trop la logique de l'histoire mais son amie semblait certaine de ce qu'elle faisait et elle avait toute sa confiance. Aussi ses coups plurent sans cesse, jusqu'à ce que les gencives de l'animal, qui s'agrandissait de plus en plus, soient couvertes de coupures sanglantes.
Pendant ce temps Line était bien en appui sur ses jambes, prête à bondir, la main sur l'épée, les yeux calculant le bon moment. Elle s'élança enfin, rebondit sur un rocher au bord de la rive puis sur la lèvre inférieure du monstre qui culminait maintenant à près de 5 mètres du sol, grimpa sur celle supérieure et s'élança pour s'agripper à son épée encore plantée dans l'œil. Elle se balança un moment ainsi pour prendre de la vitesse et lâcha pour atterrir sur le dos du Dichentraure. A cause de son œil blessé et de sa grandeur, ce dernier ne se rendit même pas compte qu'il était chevauché. Il aurait pu comparer les pas de Line à de vulgaires pattes de moustiques. Affolé et enragé, il tournait son œil valide de tous côtés pour l'apercevoir et son corps tanguait dangereusement. La jeune fille courrait le long de la nageoire dorsale, évitant les épines qui la ramifiaient et essayant de garder l'équilibre dans les remous incessants. Plus d'une fois la chute fut proche mais jamais cela ne se produisit. Elle se trouvait maintenant à la limite de la queue du monstre, l'endroit le plus dangereux car s'il remuait trop, il pouvait l'expédier en l'air, sur un rocher de l'îlot sur lequel se reposait son appendice caudal ou profondément dans l'eau. Après une grande inspiration et avoir réuni toutes ses forces, Line s'élança. Tant d'énergie avait été déployée dans ce premier mouvement que son pied dérapa et qu'elle chuta, glissant sur le dos vers les épines de la nageoire caudale. Elle ne put ralentir sa progression et les douloureux pics égratignèrent sa peau, l'entaillant assez profondément par endroit. Enfin son corps endolori atteignit la terre ferme de la bande de terre. Difficilement et en maugréant, la jeune fille se releva. La partie la plus dure avait été faite. Lentement, guettant le moindre soubresaut de la queue, elle avança. Son regard était concentré sur la dague que Giro avait dû abandonner, plantée à une cinquantaine de centimètres du fameux point faible, un globe rempli d'une fumée noire qui luisait faiblement. Sans lui, le pauvre poisson condamné à souffrir et à obéir, serait libéré et redeviendrait un bar tout à fait normal. Elle dut reculer plusieurs fois pour éviter des coups qui lui auraient été fatals mais finalement elle put se saisir de la dague et s'écarter. Malheureusement, le monstre avait bel et bien senti cela. Sa tête pivota sur le côté et son œil valide observa Line avec toute la haine possible. Il agita sa queue et comme s'il s'agissait d'une tapette géante et d'une vulgaire mouche, l'abattit violemment sur l'îlot. La jeune fille plongea pour l'éviter, sachant très bien que ce n'était pas dans son intérêt pour autant de rester immergée. Ses mains trouvèrent instinctivement des ancres afin que son corps ne soit pas emporté par la vague qui suivit l'impact. Une racine puissante s'offrit à ses doigts, à laquelle elle s'agrippa promptement. Il y avait un grand arbre sur cette bande de terre, mort, à l'écorce noire, mais encore droit. Peut-être qu'elle pourrait obliger le monstre à abattre sa nageoire caudale dessus et atteindre le point faible par la même occasion. Line attendit une autre attaque avant de se précipiter sur terre et courir vers l'arbre. La queue se dressa et redescendit avec violence. La jeune fille sauta dans l'eau, un craquement sonore retentit suivi d'un hurlement horrible. Sortant la tête de l'eau, elle put voir le spectacle surprenant qui s'offrait à elle. Le tronc de l'arbre avait créé un trou au centre de la nageoire, empêchant le poisson de la redresser. Son écorce se brisait sous les assauts répétés du monstre devenu fou de douleur et qui venait de recommencer à grandir. Les yeux de Line s'agrandirent de frayeur, si elle n'agissait pas vite, l'animal l'écraserait et qui sait quels autres dégâts il ferait ! Elle affermit la dague dans sa main et avec un cri de guerre s'élança vers le globe. Coup après coup, il se fissura et une fumée noire en sortit comme si elle avait été maintenue sous pression. Enfin dans un bruit mêlant le craquement de l'arbre qui venait de se rompre et le bruit cristallin de la sphère tombant en morceau, le Dichentraure se tordit dans un dernier soubresaut et rapetissa.

L'eau du lac était devenue rouge du sang de l'affreux poisson et Line répugna à la traverser, récupérant au passage son épée qui gisait dans la vase. La créature magique la rejoignit bientôt et déposa de la poussière de fée sur ses blessures dont la cicatrisation s'accéléra mais qui lui laissèrent à vie des marques sur le dos. Epuisée, elle s'allongea et regarda le soleil de fin d'après-midi. Son amie se précipita pour soigner Giro et veiller sur Zinéta. Line se releva sur son coude pour la regarder faire. Quand elle vit que ces deux autres compagnons avaient les yeux ouverts, elle soupira d'aise et avec difficulté se leva pour les rejoindre. Mais à peine avait-elle fait un pas qu'elle s'étala de tout son long. Un grognement s'échappait de sa gorge quand son regard se posa sur un étrange objet d'argent. Il était de forme ronde, trois branches liées en une voûte comme si elles étaient censées maintenir une sphère en place. Elle rejoignit ses amis.
- Regardez ce que j'ai trouvé.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda Giro qui venait de se relever et gardait une main sur son torse, là où les lacérations cicatrisaient.
- On dirait un bouclier protecteur, remarqua Zinéta. C'est censé protéger des objets de toute sorte de chocs.
- Tu veux dire que ça pourrait contenir le sabre ou la pelle ? s'exclama Line.
- Je l'ai aperçu au fond de sa gorge…, dit la fée que ce souvenir n'enchantait guère.
- Ca doit être ça alors mais où est l'artefact ? demanda Zinéta. Regardez ! dit-elle en redressant sur son séant.
Contre l'une des branches du bouclier, un bout de parchemin était collé. L'écriture était délavée mais on pouvait lire « Je l'ai ! Vous …».
- Oh non… quelqu'un est passé avant nous… Comment allons-nous le retrouver ! dit Giro, exprimant tout haut la pensée de tous.
Ils se regardèrent les uns les autres, le désespoir s'emparant peu à peu d'eux. Ils n'avaient croisé aucun humain depuis leur arrivée alors ils doutaient de pouvoir trouver des réponses à leurs questions autrement qu'en se jetant dans la gueule du loup. Pourtant il fallait qu'ils obtiennent le pouvoir de vaincre… Sinon le monde ne serait jamais sauvé.

Mardi 10 août 2010 à 22:42

Chapitre 10 : Travailler en équipe

La fée semblait tellement anéantie que Zinéta eut pitié de son malheur mais alors que la petite créature relevait son regard, elle put y voir une grande détermination et sut qu’elle avait le courage et la persévérance des vrais héros.
- Il faut réveiller les autres, dit-elle, lançant un regard vers les deux autres cristaux qu’elle avait dépoussiérés.
Zinéta hocha la tête et se dirigea vers le jeune garçon.
- Non, pas lui. Il faut d’abord libérer le courage.
Disant cela elle s’envola vers l’autre jeune fille et inséra à nouveau la lame dans la serrure. Elle sentait les grains de poussières se coller à la dague et sursauta quand une minuscule araignée grimpa dessus pour s’enfuir de l’encoche. Bientôt, la descendante de Link fut libérée de son sceau et déposée délicatement contre le sol où elle demeura immobile. Inquiètes les deux fillettes s’avancèrent vers la nouvelle venue qui ne semblait pas réagir. Elle était allongée là, ses cheveux bruns recouvrant le haut de ses épaules.
- Tu crois que…
- Non c’est impossible ! Alors tout serait  perdu ! Ils ont fait une erreur en la conservant ainsi et elle en est morte !, se lamenta Zinéta.
La fée alla se poser délicatement sur le visage de l’enfant inconsciente et s’asseyant là, souleva une de ses paupières avec son pied.
- GNAAAAAAAAH !
Un coup violent fit décoller la chétive créature qui s’écrasa contre un mur et glissa au sol, assommée. Poussant à son tour un cri, son amie se précipita vers elle, se désintéressant totalement de son autre coéquipière.
- Queyipasse ? … Où je suis d’abord ? Qu’est-ce que je fais là ? Et d’abord qui êtes-vous ?, demanda la fillette réveillée en fixant d’un œil hagard le dos de Zinéta. Cette dernière se retourna pour lui lancer un regard noir alors que sur ses mains jointes, la petite fée commençait à reprendre ses esprits.
- Zinéta ? C’est toi ? OUAH, ça fait un bail, dis donc ! Ca fait quoi euh 1… 10 ans ??
Voyant qu’elle l’interpellait en vain car elle ne la voyait pas se retourner, elle commença tout de même à s’inquiéter.
- Tu ne te rappelles pas de moi ? Mais c’est moi ! Line ! Tu sais celle qui arrêtait pas de dire que plus tard on serait mariées puisqu’on est les descendantes spirituelles de Zelda et Link !
- Non mais tu vas te taire oui ! Tu as vu ce que tu as fait !
- Fait quoi ? A qui ?
- Assommer ! Elle ! dit-elle en portant ses mains sous les yeux de Line qui put voir nettement la fée décoiffée qui s’y trouvait.
- OOOOOH ! Oooooh… Ah ben zut, à peine réveillée, je gaffe déjà ? La malchance m’a poursuivie jusque là on dirait… Elle… euh… peut me comprendre ?
- Bien sûr que je te comprends ! C’est quand même moi qui vous ai libérées. Et pour ta gouverne je parle 25 langues anciennes et 5 courantes, rétorqua la fillette ailée en passant sa main dans sa chevelure pour lui donner un air plus acceptable.
- Ohlala et moi qui suis nulle à l’école…
- Bon reprenons les choses sérieuses, qu’est-ce qu’on t’a appris avant que tu sois enfermée ici ?
- Ah oui les fameux dix jours avant le grand départ ! C’était vraiment super ! J’ai passé tout ce temps à m’entraîner à l’épée et on m’a même enseigné comment utiliser les capacités d’Excalibur !
- Excalibur ? L’épée de légende ? interrogea Zinéta surprise.
- Tout juste ! Elle est magnifiquement effilée et équilibrée, c’est un plaisir de travailler avec elle…
Zinéta et la fée se regardèrent. Elles se posaient la même question. Où était Excalibur désormais ? Etait-ce l’arme anti-démon qu’ils devraient employés pour vaincre ? Pendant ce temps, Line continuait son monologue sur les vertus de l’épée ancestrale.
- On a l’impression parfois qu’elle a son propre caractère et qu’elle nous guide. Enfin je suppose que ce n’est pas très facile à comprendre.
- …
- …
- Ben qu’est-ce qu’il y a ? demanda Line devant le silence qui s’était installé.
- Est-ce qu’on t’aurait indiqué par hasard où trouver Excalibur ? demanda Zinéta
- On m’a juste dit qu’elle viendrait à moi et qu’après j’aurais les pouvoirs de refaire tous ces…
- A… Attends une seconde, qu’as-tu dit juste avant ? interrompit la fée.
- Euuuh… « Ben qu’est-ce qu’il y a ? » ?
- Non non, encore avant.
- Ah ! Je parlais du fait qu’Excalibur semblait avoir sa propre âme et semblait me guider parfois.
- Une lame avec une âme… répéta-t-elle les yeux dans le vide.
- Qu’y a-t-il ? demanda Zinéta inquiète. Elle pensa que la violence du coup avait peut-être eu des effets secondaires.

La créature ailée s’envola de la main de son amie et se posa sur le sol sableux. Là, elle traça de son pied le mot : « EXCALIBUR ».
- Qu’est-ce qu’elle a ? Elle est devenue folle ? interrogea Line qui était encore confuse par son arrivée dans ce nouveau monde.
Sans faire attention à cette remarque, elle poursuivit et en dessous écrivit « BALICUREX », puis une par une elle barra les lettres semblables des deux mots. A la fin plus aucune ne restait.
- Balicurex, dit-elle dans un souffle. C’est le nom de ma lame.
Zinéta comprit aussitôt et vit que c’était une dure découverte pour son amie, elle comprit qu’elle espérait encore pouvoir garder cette dague qui était maintenant une part d’elle-même.
- Ouah ! Alors tu l’as ! Bon ben tu peux me la donner maintenant, c’est chouette ! s’exclama Line insensible à l’ambiance douloureuse qui venait de s’installer.
- Line ! Ne dis pas ça comme ça, tu ne vois pas que…
- Non, coupa la fée. Elle a raison, ce n’est pas à moi que revient le droit de me servir de Balicurex, de toute manière je ne pourrais jamais l’utiliser comme il le faudrait, je n’ai pas eu d’apprentissage… Tu savais ? demanda-t-elle en direction de la lame.
Comme d’habitude les lettres rougies s’inscrivirent sur l’acier :
- Oui, dans notre famille, tous nos noms sont des anagrammes des épées à partir desquelles nous avons été forgées. Excalibur était ma grand-mère.
- Heiiin ! Elle parle ! Et comment ça « grand-mère », on est resté endormis combien de temps au juste ?
- Assez longtemps pour que les héros en vous puissent se réveiller. Il fallait attendre que la situation soit trop désespérée pour compter sur autre chose que le pouvoir des héros. Et bien sûr les temps étaient trop durs et cruels, personne ne souhaitait que vous mourriez à peine arrivés, répondit Balicurex.
- C’est trop génial ! Une épée qui parle !
Un silence s’installa.
- Balicurex devrait rester avec toi, dit enfin Zinéta d’une voix peu puissante mais déterminée.
- Comment ça « rester avec elle » ? C’est ma mission de me servir de cette épée ! Tu ne voudrais pas t’opposer à notre destinée et au salut de ce monde ! s’écria Line.
- Elles sont trop attachées l’une à l’autre pour qu’on les sépare. En outre, plus que tout autre, elle mérite de s’allier à l’épée de légende. Elle a déjà le cœur, la détermination, le courage du héros.
- Et moi dans tout ça, je suis quoi exactement !
- Je ne sais pas…
- Normal que tu ne saches pas car selon la prophétie il n’y a pas d’autres possibilités !
- Je veux juste dire que…
- Tu veux juste dire que je suis bonne à rien, juste à jeter hors de ma destinée ! Tu n’es peut-être pas aussi sage que ça, tu es peut-être trop aveuglée par tes sentiments !
Zinéta baissa les yeux, ses mèches blondes tombant sur son visage mais les releva aussitôt.
- Non je ne crois pas être aveuglée par quoi que ce soit. Lors de ma formation, on m’a dit de toujours suivre mon instinct et mon cœur et c’est ce que je fais.
- Et qui t’as déclarée chef ici ? Tu veux qu’on voit qui est la plus forte ? cria Line en relevant ses manches. Elle n’avait aucune intention de se battre mais elle désirait faire revenir Zinéta sur sa décision.

Cependant la fée était très inquiète de voir Line dans une telle colère et de ne rien pouvoir faire. Soudain elle eut une idée, se précipita sur le troisième cristal et inséra la lame dans l’encoche. Quelques instants plus tard, le jeune garçon libéré de sa prison de verre se releva et la première chose qu’il vit fut Line et Zinéta se défiant du regard.
- Que se passe-t-il ? demanda-t-il.
Les deux jeunes filles se tournèrent vers lui l’une l’air déterminée et l’autre furieuse.
- Giro ! Désolée de t’avoir montré une si mauvaise attitude, dit Line en relâchant ses bras et baissant les yeux. Elle avait toujours été impressionnée par le jeune homme aux cheveux noirs et au regard bleu acier.
- Pour quelle raison vous disputez-vous ? demanda-t-il.
- Eh bien j’aimerais récupérer la descendante d’Excalibur qui pour le moment appartient à cette petite fée mais Zinéta veut que je la lui laisse et… Ooooh ! Mais… tu… tu n’as plus de… s’écria Line qui fixait maintenant bouche bée la fée.
- Tu veux dire que tu n’avais pas remarqué ? interrogea Zinéta.
- Ca fait plaisir de voir que tu es toujours aussi observatrice, remarqua Giro avant de rire.
- Je suis désolée petite fée, je ne voulais pas paraître si cruelle.
- Mais ! Et la prophétie ? dit la créature ailée.
- Je pense qu’on doit être maître de son destin, dit Zinéta.
- La sagesse a parlé, répondit Line avec un sourire même si une partie d’elle se demandait si c’était réellement le bon choix. Sinon vous deux, vous avez appris quoi pendant les dix jours ?
- J’ai appris le texte contant la légende du grand chêne, répondit la descendante de Zelda avant de raconter à nouveau l’histoire.
- Intéressant, dit Line avant de se tourner vers Giro. J’ai appris à me servir d’Excalibur, et toi ?
- J’ai reçu une encyclopédie sur tous les monstres connus de l’époque, j’ai dû en apprendre le sommaire par cœur. J’ai également eu des cours de combat.
Un silence s’installa. Ils se fixaient tous, ne sachant plus trop quoi faire. Il y avait beaucoup de nouveaux éléments d’un coup et des changements dans ce qu’ils croyaient être un chemin tout tracé vers leur destin.
- Je sais ce que je vais faire, s’exclama Line, qui semblait ne pas être sur le même cours de pensées que les autres.
- A quel sujet ? interrogea Zinéta.
- Pour l’épée ! Petite fée ? Est-ce que tu veux bien que je sois ton instructeur ?
- Avec joie, répondit-elle. Mais il y aura peut-être un moment où tu devras récupérer cette lame car nos ennemis risquent de ne pas être sensibles à la taille qu’a prise Balicurex pour me correspondre…
- Nous verrons bien ! Et maintenant allons-y !
Giro récupéra son encyclopédie des monstres qui était restée dans les débris du cristal et ils sortirent de la grotte, voyant pour la première fois le désert et sentant enfin, après une longue période de sommeil, le vent sur leurs visages.

Mardi 10 août 2010 à 22:41

Chapitre 9 : La vallée des héros

Au petit matin, les bienfaits de l’arrosoir étaient toujours là. Le cheval broutait paisiblement et le désert avait l’air calme. Un temps parfait pour s’y rendre. La fée s’étira et dépliant ses ailes, voleta pour les dégourdir.
- Il est temps d’y aller, dit elle pour se donner du courage.
Après avoir inspiré un grand bol d’air, de lourdes pensées s’emparèrent de son esprit, une nouvelle mission l’attendait et sans doute de nouvelles difficultés, elle n’avait pas réellement réfléchi à la suite avant cela. Son premier objectif avait été d’atteindre l’entrée du désert mais après… « De toute manière j’ai tellement peu d’informations qu’il ne sert à rien de m’imaginer quoi que ce soit. Je suis vraiment incapable de prévoir ce qu’il va arriver. ». S’étirant une seconde, elle fila ensuite en avant, suivi de près par le galop de son compagnon. Bientôt le bruit des sabots s’estompa alors qu’ils rencontraient le sable et un nuage de poussière se forma sur la traînée de leur course ainsi que de fines herbes vertes.
Après plus d’une heure de route, ils arrivèrent à une oasis composée de trois palmiers et une petite source d’eau. Malgré la présence de l’arrosoir, ils se désaltérèrent avec l’eau trouble qui s’y trouvait puis se reposèrent à l’ombre des palmes. Cependant ils n’étaient pas soulagés pour autant car depuis plusieurs kilomètres ils avaient aperçus une tempête de sable. Ils voyaient maintenant qu’elle n’avait rien d’un simple phénomène naturel. Le sable formait comme un mur, on pouvait faire un pas et rentrer dans la tempête, un autre en arrière et en ressortir. Déterminée, la fée s’approcha. Aucun autre choix n’était possible, sa mission était trop importante pour s’arrêter à ça. Par prudence, ce fut les ailes repliées, marchant sur le sol qu’elle s’approcha car une telle puissance de vent aurait pu la souffler en vol. La lame au bout de son bras passa au travers du mur et se mit à vibrer. Des centaines de grains de sable se fracassaient violemment contre elle et tombait en poussière. La fillette poussa un cri de douleur et se jeta en arrière. Inquiet le cheval la rejoignit.
- J’ai ressenti… C’est comme si ma main était de nouveau là, s’écria-t-elle haletante. Levant la dague devant ses yeux, elle mima le mouvement qu’elle aurait fait pour agiter les doigts. Dans un grincement étrange, le bout de la lame se scinda en cinq parties, formant une main d’acier.
- Je me suis dit que tu apprécierais, s’inscrivit en lettre rouges et tremblantes.
- Comment as-tu fait ce…miracle? répondit la fée observant de tout côté sa nouvelle main et la bougeant délicatement.
- En fait je me suis dit que si tu pouvais me ressentir comme un membre à part entière, tu ne pourrais plus me faire faire des tâches ingrates car ce serait douloureux pour toi… Sauf que je ne m’attendais pas à ce que ça marche si bien.
- Je… je ne peux pas dire que je comprends, mais j’apprécie.

Elle se releva et soupira, c’était une grande joie que de retrouver des possibilités perdues mais elle n’avait pas le temps de s’y habituer. Il fallait repartir. Avec pour refuge la crinière du cheval, elle reprit la route au milieu du sable cinglant. L’équidé semblait ne pas être trop indisposé par la tempête. Il se laissait guider, yeux fermés, par les crins qu’elle tirait une fois pour aller à droite, deux fois pour aller à gauche avec ses pieds, sa main étant trop affutée pour les toucher sans les couper. Après une longue marche, le vent se calma soudain. Devant eux, une oasis. Une oasis avec trois palmiers… Une oasis avec une traînée de fines herbes verdoyantes qui traçaient un chemin vers un mur de sable.
- Comment est-ce possible ? On est revenu à notre point de départ ! Ça fait pourtant longtemps que… D’ailleurs ça fait combien de temps…, dit-elle abasourdie, levant la tête vers le ciel.  Aah ! Il fait nuit ! C’est… impossible. Cette magie est vraiment maléfique !
Il fallait trouver un moyen d’utiliser le cercle de fer car après tout il était censé lui indiquer le chemin de la vallée des héros. Elle se doutait bien que quiconque ne le possédait pas, pouvait errer des jours dans cette tempête cependant aucune instruction ne lui avait été donnée. Le bracelet était bien resserré autour de son bras, le déplacer était impossible. Le toucher ne donnait rien non plus, ni d’ailleurs de souffler dessus ou encore de se concentrer sur lui voire sur la vallée des héros. La nuit s’épaississait au fur et à mesure des tentatives. Finalement épuisée, la fée s’endormit sur le sable, aux prises à la brise gelée de la nuit. Son compagnon s’installa à ses côtés et s’allongea pour la garder à la chaleur de son flanc.
Les premiers rayons du soleil touchèrent ses paupières. Elle s’éveilla comme sous l’effet d’un choc électrique et regarda alentour. Rien, rien trouvé, pas le moindre petit indice, pas le moindre petit espoir. Comment était-elle censée réussir ? Pourquoi tant de difficultés ?! Etait-ce donc sans fin ? Toute la longueur de sa vie serait-elle nécessaire à l’accomplissement de sa mission ? Les souvenirs d’Hyrule dans son temps de prospérité lui revinrent en mémoire. La plaine verdoyante, la forêt des enfants si paisible, toujours emplie de chants et de danses, le bourg si animé, le mont, abri de la formidable race Goron, le lac et ses eaux pures… De tous ces lieux, il ne restait que des pâles reflets d’un souvenir et le seul qui était déjà à l’époque fui et vide, le désert des brigands, était étrangement l’écrin de l’unique futur possible. La fatigue, le désespoir, la lourdeur de sa tâche l’accablèrent si bien que de lourdes larmes coulèrent sur ses joues, tombant vers son menton, s’y accumulant pour enfin tomber vers le sol. Dans un doux bruit de rebondissement, l’une des gouttes salées entra en contact avec le bracelet. Une lueur en sortit soudain filant droit vers le mur, traçant un chemin rougeoyant à travers la tempête. Se levant comme une seule personne, l’équidé et la fée se trouvèrent prêts au départ et bientôt ils chevauchaient guidés par l’étrange signal. Ils allèrent tout d’abord droit devant eux mais bientôt la lumière bifurquait à 90 degrés vers la droite pour ensuite modifier de nouveau leur chemin vers la gauche. Ils passèrent ainsi cinq heures à suivre la route sinueuse qui leur était indiquée. Ils virent alors d’étranges formes se dessinant à l’horizon et découvrirent des amas de marchandises, anciennement ce que l’on pourrait appeler les entrepôts en plein air des brigands. A certains endroits, des os humains ou animaux étaient à moitié enterrés sous le sable comme un avertissement à ceux qui se rendraient plus avant. Et enfin après encore une heure de route, le vent faiblit, le sable s’effaça devant l’air purifié et en face d’eux, deux montagnes de faible hauteur, séparée par une vallée dans laquelle on pouvait apercevoir un fin filet d’eau qui se terminait par une oasis. Les deux amis se dépêchèrent de rejoindre l’entrée du lieu. Ils s’arrêtèrent alors devant la beauté du paysage qui s’offrait à leurs yeux. Le lit de la petite rivière était entouré de grandes colonnes de pierre rouge sculptées avec finesse. Les motifs représentaient différentes scènes de bataille et d’entraînement des Gerudos mais sur les dernières colonnes ils laissaient place à des dessins héroïques, des triforces et des évènements où le bien triomphait. Au bout de cette longue allée, de grandes statues pointaient leurs visages vers le ciel comme un appel à la bénédiction des dieux. Le chemin bifurquait alors sur la gauche vers une ouverture géante taillée à même la roche et ornée de magnifiques écritures. Il était noté « Passé cette porte, un nouvel avenir se tient ».

Malgré ce que l’on aurait pu croire, l’intérieur de la grotte était très bien éclairé, car un puits de lumière était creusé dans le plafond. Une pièce circulaire avait été sculptée directement dans la roche et trois rais lumineux frappaient des cristaux géants. La fée s’approcha et effleura le premier de sa lame-main., une épaisse couche de poussière le recouvrait. Alors qu’elle la retirait, ses yeux s’écarquillèrent de surprise. Une jeune fille qui devait avoir 13 ans, était scellée à l’intérieur. La fée se précipita vers la roche suivante pour y apercevoir un jeune garçon du même âge et enfin la dernière renfermait une autre jeune fille. Après le premier choc, elle prit du sable qu’elle lâcha au sommet de chaque cristal et qui, dans sa chute, emportait la poussière. Bientôt les trois éléments brillaient et révélaient dans leur totalité leurs étranges habitants. Le support de chacun était sculpté d’une triforce dont l’un des triangles était doublé : pour la première jeune fille il s’agissait de celui de gauche, pour le garçon celui d’en haut et pour la dernière celui de droite.
- Gauche sagesse, haut pouvoir, droite courage. Eh bien si je m’attendais à ça… En tout cas les instructions étaient claires, il faut que je réveille la sagesse en premier, dit-elle.
Sur le bloc qui soutenait le joyau scellant la jeune fille, une encoche était visible. La jeune fée y inséra la lame et tourna. Peu à peu le cristal perdit de son éclat pour enfin, dans un fin craquement, se fissurer et voler en éclat. Sa protégée glissa doucement sur le sol et après une lente inspiration, ouvrit les yeux. Elle s’assit et regarda autour d’elle, l’air désorienté. Son regard fut ensuite attiré par le cheval puis par la fée.
- Hum, dit-elle en s’éclaircissant la gorge. Est-ce vous qui m’avez libérée ?
- Oui, c’est bien nous.
- Puis-je vous demander depuis combien de temps nous sommes ici, mes compagnons et moi ?
- Euh… Eh bien mademoiselle, c'est-à-dire que… Nous n’en savons rien nous-mêmes.
- …
- Tout ce que je peux vous apprendre c’est qu’Hyrule est en bien mauvaise posture. Tout est détruit dehors, ravagé, comme si les ténèbres avaient tout englouti. De plus il n’y a aucune forme de vie, qu’elle soit bénéfique ou maléfique.
- Je m’en doutais, nous ne devions être réveillés qu’après la guerre afin que nos vies soient épargnées. Nous avons été enfermés ici, dans ce lieu introuvable tant que le temps n’était pas venu. Chacun d’entre nous a été préparé à sa tâche, nous avons eu des instructions précises.
- Quelles étaient les tiennes ?
- Étrangement mon rôle semble être essentiellement de permettre le fonctionnement d’une équipe entre les deux autres. Ils nous ont enfermés séparément pendant dix jours, chacun de nous avait un rôle que les autres ne connaissaient pas. Le mien était d’apprendre l’histoire qui suit par cœur :
Quand une personne au cœur pur viendra vous libérer de vos prisons de cristal, une mission vous attendra. Vous devrez trouver l’arme permettant de battre les démons, un artefact sacré que vous ne pourrez atteindre que si vous réunissez les trois objets sacrés de la légende du grand chêne.  Une prophétie a été formulée il y a de cela plusieurs siècles par un homme mystérieux, apparu soudainement en plein centre de la plaine d’Hyrule. L’étranger avait appelé à lui la population présente, en la personne d’un postier et du jeune prince Daphnes Mondar I. Il avait alors proclamé venir d’un Hyrule lointain dans le temps et être envoyé par Daphnes Nohansen d’Hyrule, arrière-arrière-arrière-arrière petit fils du présent Roi. Il sortit alors un parchemin de sa poche et déclara ceci : « Dans cinquante ans jour pour jour, en ce lieu même qui sera marqué alors d’un grand chêne, le Roi d’Hyrule devra, muni d’une pelle d’or forgée par le peuple Goron, d’un arrosoir de nacre offert par le Roi Zora et d’un sabre orné de rubis provenant du trésor des Gerudo, faire tomber l’arbre de ses propres mains et déterrer le coffre qui se trouvera entre ses racines. » Il roula alors le parchemin, laissa tomber sur le sol un gland multicolore et dans un bruissement, disparut soudain de la surface herbeuse de la plaine, laissant derrière lui les deux hommes ébahis.
Cinquante ans passèrent et le roi Daphnes Mondar I se rendit à l’aube à l'endroit même où l’étranger était apparu, devant un chêne majestueux qui portait une ombre rafraichissante sur une grande zone de la plaine. Il était muni de la pelle, de l’arrosoir et du couteau que les rois des autres peuples lui avaient cédés, les uns par loyauté, les autres par curiosité et les derniers par appât du gain, croyant qu’un trésor magnifique était enfoui. Les souverains étaient ainsi réunis avec leurs suites, regardant attentivement le Daphnes Mondar I creuser avec la pelle d’or, ramollir la terre avec l’eau pur de l’arrosoir de nacre et couper les racines avec le sabre. Après toute une dure journée de labeur, dans un craquement sinistre, l’arbre s’effondra et un coffre gigantesque sortit d’entre ses racines. Le roi Daphnes Mondar I le prit et l’ouvrit sous les regards des autres souverains. A l’intérieur se trouvait des pierres et des bijoux qui furent donnés aux Gerudo, un livre d’énigmes de la vie pour les Zora, un parchemin contenant le moyen de trouver et utiliser de la poudre d’or pour forger des épées surpuissantes pour les Goron et enfin un livre écrit avec des runes mystérieuses pour le roi d’Hyrule. Chacun des grands hommes rentra dans son domaine comblé et le roi entreprit immédiatement de faire traduire l’étrange document. »
Cet écrit a permis de forger le bracelet de fer que tu as au poignet et l’arme qui doit annihiler le mal mais plus encore reconstruire ce monde. Pour cela nous devons retrouver les trois artefacts de la légende et retourner à l'endroit de la chute du grand chêne.
- Au moins nous avons des instructions claires désormais, dit la fée après avoir écouté la jeune fille.
Savoir ce qu’elle devait accomplir lui permettait de voir l’avenir d’un œil meilleur, mais le fait qu’aucun être maléfique ne lui ai barré la route la mettait mal à l’aise. Quels étaient donc leurs plans ?
- Dis-moi, quel est ton nom ? interrogea la fillette ailée.
- Zinéta, descendante de Zelda. On m’a prévenue qu’il ne servait à rien que je demande ton nom, mais je dois t’avertir. Selon la prophétie qui fait de nous les trois sauveurs d’Hyrule, l’épée que tu portes à ton bras reviendra au héros du courage.
La fée eut du mal à cacher sa peine à l’écoute de cette nouvelle. « J’aurais dû m’en douter », pensait-elle. « Ce n’est pas mon rôle de sauver Hyrule, mais uniquement de ramener les trois héros qui le feront et de leur en donner les moyens…quel qu’en soit le prix. »

Mardi 10 août 2010 à 22:39

Chapitre 8 : L’entrée du désert

Sa tête s’arrêtant enfin de tourner, la fée regarda aux alentours pour se rendre compte qu’elle était allongée par terre hors de l’enceinte du château. Dans son dos, une fine brume se forma et bientôt les murs disparurent. Un court instant elle crut avoir rêvé mais l’absence de ses mains et la lame effilée dans la continuité de son bras gauche n’étaient que trop réelles. Le bracelet étrange encerclant toujours son membre semblait venir de temps éloignés tant il était noirci et rouillé. Malgré cela on pouvait ressentir une aura, un pouvoir, une vibration de l’air quand on l’observait attentivement. « Je me demande comment l’utiliser » se dit-elle. « Ils auraient pu mettre un mode d’emploi ». Tout en maugréant contre la stupidité des quêtes et la maigreur des indices confiés, elle s’éloigna peu à peu du palais pour rejoindre l’entrée du Bourg. Cependant une voix familière l’arrêta.

« Toi qui a le cœur pur,
Toi dont les desseins sont empreints de gentillesse,
Toi qui a su trouver ces murs,
Toi dont le destin changera celui de cette forteresse,
La route est longue mais la solitude n’y est pas
Auprès de ton compagnon la clé tu trouveras
A l’arrivée de l’aube il guidera tes pas
Suis-le sans hésiter, le passé sera là. »

Après avoir répété plusieurs fois les dernières phrases pour ne pas les oublier, la fillette s’éleva et reprit son chemin. « Compagnon… », se disait-elle, « Je n’en vois qu’un seul dans ces terres désolées ». Arrivant aux portes du bourg elle s’arrêta  puis s’élança vers son ami à crinière.
« Alors comme ça tu connais le chemin », dit la fée de sa voix chantante.
Revoir son compagnon d’aventure lui faisait plus de bien qu’elle ne l’avait imaginé. Les épreuves du passé s’en voyaient atténuées. D’un coup de tête, l’équidé lui fit comprendre qu’elle devait monter sur son dos. Quelque chose avait dû se passer pendant la visite du château car dans les yeux du cheval une nouvelle flamme de connaissance brillait. Le soleil se levait sur la plaine alors que sous un vent chaud et portant en lui des cendres rougeoyantes d’une source inconnue, ils galopaient. Les hennissements de l’animal retentissaient dans l’étendue vide comme dans la gorge d’une montagne. Regardant aux alentours la fée réalisa que les herbes rouges étaient faites de cendres et, se désagrégeant sous les assauts du vent et des sabots, elles s’envolaient et étaient emportées par le souffle.

Peu à peu le désert se rapprochait et du sable s’ajouta aux débris d’herbes. Il leur fallut une journée pour arriver à un canyon entre deux plateaux. Ils s’arrêtèrent alors pour passer la nuit. La faim se faisait sentir et autour d’eux n’était que terre sableuse et amas rocailleux. La fillette commençait à s’inquiéter pour son compagnon à quatre pattes qui, a priori, n’avait pas quitté les alentours du lac où le peu d’herbe jaune était accumulé. Elle se demanda si davantage de préparatifs n’auraient pas été nécessaires avant de se lancer à la conquête du désert. Son esprit se mit à réfléchir à toute vitesse à un moyen de trouver des vivres pour le cheval, n’étant pas inquiète pour son alimentation propre car il lui suffit d’un petit pois pour tenir cinquante ans en activité et bien plus en sommeil profond - bien qu’aucune durée n’a jamais été définie puisqu’aucune fée n’a eu la patience de tenter l’expérience. Cependant, après une dizaine de minutes et une observation des alentours allant jusqu’à soulever des rochers de petite taille pour voir si des brins d’herbe ou de la mousse n’y seraient pas cachés, elle dut se rendre à l’évidence qu’il n’y avait rien de comestible pour un équidé. Elle frappa alors dans un caillou du bout de son pied, désespérée par sa propre bêtise. Un bruit étrange lui répondit, comme si la pierre avait frappé quelque chose de dur mais creux. Rapidement, elle contourna le rocher au-dessus duquel le projectile avait été emporté et ne vit strictement rien, étudia de nouveau minutieusement les alentours jusqu’à retrouver le caillou mais ce fut tout ce qu’elle découvrit. Encore plus énervée qu’auparavant, grommelant sans cesse la même question : « Fallait-il vraiment que tout soit si compliqué dans cette quête ? », la fée fit les cent pas. Soudain, son pied droit ressentit une vibration étrange et le même écho que précédemment arriva à ses oreilles. Au sol, à l’endroit même où elle se tenait, le sol était étrangement nacré. Quelque chose était enterrée là. Se demandant de quoi il pouvait s’agir, elle commença à creuser rapidement avec la lame mais au bout de quelques minutes cette dernière se mit à briller d’une lueur rouge et vibra. Effrayée, la pauvre fillette tenta de décrocher la dague de son bras, se griffant la peau dans ses efforts désespérés alors que tout son bras tremblait par l’action de l’arme.

Tout aussi violemment que cela avait débuté, la vibration cessa mais pas le rougeoiement qui au contraire s’intensifia si bien que quiconque se serait trouvé à moins d’un kilomètre de là aurait dû se protéger les yeux. La lumière se réduisit et sur la lame des mots se formèrent puis s’estompèrent comme s’ils étaient tracés au fer rouge puis refroidit. « Je ne suis pas faite pour de si basses besognes » était-il écrit en lettres droites avec une écriture très raide.
« Elle… parle ? »
La lueur restante s’estompa.
« Tu parles ? Tu peux m’entendre. »
La lame ne broncha pas. La fée se demandait si elle n’avait pas rêvé. Il n’y avait qu’un moyen pour en être sûre. Elle plongea à nouveau l’acier dans le sol et retourna un peu de terre.
- Non mais ça va oui !? s’inscrivit en lettres rouges.
- Ahaha, j’ai la confirmation que tu parles, se mit à exulter la petite créature
- … et en plus elle est fière d’elle
- Et que tu m’entends !
- De mieux en mieux…
- Qui es-tu ?
-  Mon nom est Balicurex, fut ainsi écrit mais cette fois-ci en lettres liées laissant une impression de douceur du tracé.
- Enchantée
- Tu pourrais au moins te présenter !
Les mots étaient à nouveau raides, la main invisible appuyant durement sur le fer.
- Hum, non désolée c’est contraire à la loi de ce monde ! répliqua la fillette d’une voix peinée
- Qui a pu écrire une règle aussi sotte ?  
- A ton avis… dit-elle en regardant en l’air, faisant rouler ses yeux.
- … Je l’avais oubliée celle-là.
Alors qu’elles discutaient ainsi, l’une par les mots, l’autre par les lettres, le cheval s’approcha et entreprit de creuser la terre, intéressé par l’étrange bruit que faisaient ses sabots en rencontrant le mystérieux objet.
- Tu vois qu’il y a des gens mieux adaptés à ce type de travail, fit remarquer la lame.
- Hé ! Tu te crois supérieure à lui ou quoi ?  
- En taille de cerveau, oui.
- Je ne sais pas où il est… mais a priori tu ne fais pas plus de 5 millimètres d’épaisseur...
- Ah ah ah très amusant, répliqua l’écriture de nouveau raide.
La fée ne répondit pas, fixant l’objet enfin déterré : un magnifique arrosoir de nacre précieux, fait d’un entrelacs savant de coquillages. Que pouvait faire un instrument pareil à l’entrée même du désert ? Il était totalement vide. « Normal, il était enterré », se dit-elle. Cependant une étrange réflexion était causée par la lumière sur une partie de l’arrosoir. A cet endroit là, écrit en minuscule, était noté ceci : « Trouvez mes deux compagnons, pour vaincre les démons. ». Encore un indice bien maigre pour l’aventurière, mais sachant que tout serait découvert en temps voulu, elle accrocha l’ustensile sur le dos de son ami en tressant une fine cordelette avec plusieurs de ses cheveux (pour cela, elle coinçait sous ses pieds deux cheveux et faisait passé le troisième avec sa bouche puis poursuivait en changeant de mèche). A peine avait-elle fini de le pendre bec en bas, qu’un mince filet d’eau s’en écoulait. Et devant ses yeux ahuris, chaque goutte qui touchait le sol le transformait en terre fertile et de fins brins d’herbe en sortaient, bien vite engloutis par l’équidé.
« Eh bien au moins, on ne mourra pas de faim » pensa la fée. Elle observa une dernière fois, le sable voltigeant provenant du désert, puis s’installa dans la crinière de son compagnon pour la nuit, laissant les étoiles veiller sur elle.

Mardi 10 août 2010 à 22:38

Chapitre 7 : Verset 7

Son rire s'arrêtant enfin de résonner dans les couloirs vides formés par les bibliothèques alignées, la fée s'approcha du livre et en saisit la couverture. Cependant elle stoppa bien vite son étreinte car la brûlure qu'elle avait déjà sentie reprit de plus belle. Soufflant sur ses doigts encore douloureux, elle regarda anxieusement la couverture. Comment pouvait-elle bien ouvrir le livre si elle ne pouvait même pas en approcher ses mains ? Elle essaya de saisir d’autres parties de la couverture mais de nouveau le livre fut, au toucher, semblable à de la lave en fusion. Après avoir fait le tour de l’ouvrage ainsi, si bien que la pulpe de ses doigts était devenue rouge et semblait prête à saigner, elle s’assit et se mit à réfléchir. Toutes les épreuves que la fée avait passées depuis qu’elle était entrée dans l’enceinte du domaine semblaient être liées. A chaque fois elle avait dû montrer ses qualités pour se sortir des situations étranges et dangereuses imprégnées dans ce lieu. La fillette avait utilisé aussi bien la force que la délicatesse puis avait fait preuve de détermination, de persévérance, de mémoire, d’impétuosité et de réflexion. Il y avait bien une qualité et non la moindre qu’elle n’avait pas réellement montré : le courage et l’abandon de soi. Alors qu’elle réfléchissait encore au moyen d’ouvrir l’étrange ouvrage, elle se leva d’un bond et comme frappée par la folie, saisit à pleine main la couverture épaisse et agita frénétiquement ses ailes pour séparer le revêtement en cuir des douces pages qu’il pressait. La douleur dans ses mains déjà meurtries par ses vaines tentatives de découvrir une partie praticable de l’ouvrage, se fit violente, aigue, comme une lame qui transperçait sa peau. En regardant ses mains, elle vit son épiderme se noircir et s’assécher. Le cuir si lourd se soulevait millimètre par millimètre, laissant entrevoir peu à peu une écriture douce et liée tracée par une plume. Des larmes coulaient des yeux de la créature, luttant dans un combat sans merci, sachant ce qu’elle sacrifiait à la cause qu’elle avait décidé d’embrasser. De sa bouche entrouverte ne s’échappait aucun cri mais l’horreur et la souffrance se lisait sur son visage alors que ses doigts s’effritaient sous la chaleur de la lave et que leurs cendres tombaient sur les pages d’une blancheur immaculée.  Dans un dernier battement d’ailes, alors que ses phalanges disparaissaient dans un nuage noir, la lourde couverture arriva en équilibre, droite, penchant légèrement vers l’intérieur. La fée ne la tenait plus, elle ne pouvait plus la tenir car de ses mains il ne restait que des cendres, maintenant éparpillées sur les lettres de la première page. Désespérée elle regarda la couverture pencher lentement sans pouvoir la retenir. Et soudain hurlant de douleur, elle chargea. Fonçant vers l’avant, les moignons de ses membres tendus vers l’avant, ouvrant enfin le livre sacré.
Elle ne ressentit aucune joie. La douleur du choc l’avait terrassée et elle était étendue sur la pierre froide, évanouie.

Dans son sommeil sans rêve elle ressentit une douce fraicheur sur ses bras et quand elle ouvrit enfin les yeux, la fée leva ses bras devant elle et aperçut ses deux mains, entières, roses et douces. Son sourire s’élargit, elle les agita, testa sa poigne, toucha l’une puis l’autre, les caressant, passant chaque millimètre sous l’observation de ses grands yeux. La créature ailée se releva mais ses jambes la lâchèrent. Trop d’émotion, trop de fatigue. Elle commença à ressentir une forte douleur aux bras et alors que tous ses muscles semblaient lâcher prise, sa tête heurta le sol.
La fée ouvrit les yeux et leva ses bras devant elle pour ne voir que des moignons putrides et noirs. Elle referma puis rouvrit ses paupières mais ils étaient toujours là. Des larmes coulèrent sur ses joues. Ce n’était qu’un rêve… un magnifique et doux rêve mais uniquement une fantaisie de son esprit fatigué et troublé. Elle referma les yeux épuisée, tombant dans un sommeil si profond que la douleur ne pouvait plus l’atteindre.
Plusieurs heures plus tard, elle émergea enfin, courbaturée, attristée mais consciente que sa tâche n’était pas terminée. Elle se releva en grimaçant de douleur et se dirigea lentement vers le livre, d’une démarche mal assurée mais déterminée. Sur la première page était inscrit ceci : « Livre sacré – Par les sages du temple du Temps ». Elle prit la page avec ses dents et s’envola lentement pour la tourner. « Je n’ai plus qu’à trouver le verset 7 » se dit-elle, « Mais… au fait, un verset c’est dans un chapitre et il n’y avait pas de numéro de chapitre sur la lettre. Ça risque de prendre encore beaucoup de temps ». La page retomba en douceur contre la couverture. Une courte préface s’étalait devant ses yeux.

« A ceux qui liront ces mots. Ce livre n’est composé que d’un chapitre mais regroupe tout le savoir des sages sur l’avenir et sur le passé. Futur héros, faites votre chemin jusqu’aux portes du savoir… tournez les pages. ». La fée poursuivit donc sa recherche et après plusieurs dizaines de minutes arriva enfin au verset 7. Et sur le doux papier, des mots notés à la plume s’alignaient.
« Lorsque l’apocalypse aura tout détruit, et nous savons que cela arrivera, il n’y aura qu’un moyen de sauver ce monde mais plusieurs choix tout au long du chemin salvateur. Mais avant de poursuivre il faut que vous sachiez la vérité sur les tristes évènements qui ne se sont pas encore produits au jour où j’écris ses lettres noires mais qui seront inévitables.
Alors que le mal grandissait, mené par un sorcier puissant et avide, Ganondorf, le peuple demanda un héros et les déesses dans leur grande bonté en envoyèrent deux. Il s’agissait alors de deux enfants nommés Link et Zelda. A chacun fut donné un pouvoir de la Triforce : la sagesse pour la douce Princesse Zelda et le courage pour Link. Leurs destins furent scellés en une rencontre et le combat commença alors car Ganondorf avait vu le pouvoir et la destinée qui sommeillaient en eux et avait décidé de ne pas attendre leur réveil. De nombreux combats furent menés, une guerre sans merci éclata et le sorcier maléfique fut détruit à jamais dans un futur qui rejaillit sur le passé. Cependant la folie des hommes est sans nom et le coup d’état de Ganondorf bien qu’annihilé donna naissance à un nouveau peuple. Une guilde de sorciers noirs ayant pour seul but de détruire, pour seule croyance la guerre, pour seule joie donner la mort. Ils eurent la bonne idée de demeurer dans l’ombre et malgré le fait qu’aujourd’hui déjà nous connaissons leur existence, nous ne pouvons rien contre eux car nous sommes bien les seuls à croire au danger qu’ils incarnent alors que beaucoup doutent même de leur présence. La disparition de Ganondorf a marqué le début de leur règne, car un peuple victorieux en devient plus sûr de soi et moins prudent. Nous avons pourtant essayé de faire entendre raison au roi et la Princesse est trop jeune pour que sa parole soit assez puissante. C’est pourquoi ce verset existe, pour comprendre, pour connaître l’ennemi et savoir le vaincre.
Lorsque l’apogée des mages noirs fut atteinte, nous plongeâmes plusieurs héros dans un sommeil de pierre, dans la vallée des héros, au fin fond du désert. La princesse Zelda ainsi que Link ne firent pas partie de ceux-là mais leurs descendants dans le cœur des déesses furent trouvés et ainsi conservés loin de la puissance destructrice de la guilde. Nous allons mourir alors nous confions la clé de la vallée à une personne de confiance. En appuyant votre doigt sur le cercle de fer au dos de ce livre, héros, vous obtiendrez le seul guide possible pour atteindre la vallée des héros. Sans lui, vous ne trouverez jamais la voie et périrez. Utilisez-le et une fois sur place, libérez les héros dans cet ordre qu’il est très important de retenir. Tout d’abord la sagesse, puis le courage et enfin la force.
Soyez prudent. Que Nairu, Farore et Din guident vos pas et votre cœur. ».


A peine la fée eut-elle lu les dernières phrases que le livre eut un soubresaut et se referma en déroulant toutes ses pages qu’elle vit blanches, immaculées. Au dos du livre, le cercle de fer était sous ses yeux, orné d’étranges motifs. Elle s’approcha et posa un de ses moignons dessus. Rien ne se passa. Le livre avait bien parlé de doigt mais elle ne voyait pas comment faire. Alors qu’elle désespérait de pouvoir réussir la quête qui lui incombait sans possibilité de se servir de ses mains, la lame brilla à sa ceinture. Les fées ont des orteils faits comme nos mains, c'est-à-dire que le gros orteil est préhensile comme le pouce, aussi put-elle extraire sa lame de son fourreau à l’aide de son pied droit car elle était gauchère. Elle amena la dague contre son bras gauche et un froid intense lui prit tout le membre, elle ferma les yeux en respirant fort pour essayer de se calmer alors que l’engourdissement devenait de plus en plus intense. Finalement elle ouvrit les paupières et vit que la dague était maintenant dans la continuité de son bras, son pommeau avait entouré son moignon qui n’était désormais plus visible. La créature fit quelques mouvements de parade et d’attaque puis réitéra son essai en collant la pointe de son arme sur le cercle de fer. Ce dernier s’illumina brièvement et s’éleva en grossissant autour de la lame. Il continua de monter ainsi jusqu’à atteindre le pommeau sur lequel il se referma. Il ressemblait fortement à un simple bracelet de fer hormis qu’il vibrait doucement. La fillette l’observa, se demandant comment s’en servir. Soudain le plafond s’ouvrit en cercle au-dessus d’elle et elle fut aspirée à l’extérieur.

<< Page précédente | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | Page suivante >>

Créer un podcast