terre-vue-d-anouck

Des mots couchés sur pixel

Mardi 10 août 2010 à 22:39

Chapitre 8 : L’entrée du désert

Sa tête s’arrêtant enfin de tourner, la fée regarda aux alentours pour se rendre compte qu’elle était allongée par terre hors de l’enceinte du château. Dans son dos, une fine brume se forma et bientôt les murs disparurent. Un court instant elle crut avoir rêvé mais l’absence de ses mains et la lame effilée dans la continuité de son bras gauche n’étaient que trop réelles. Le bracelet étrange encerclant toujours son membre semblait venir de temps éloignés tant il était noirci et rouillé. Malgré cela on pouvait ressentir une aura, un pouvoir, une vibration de l’air quand on l’observait attentivement. « Je me demande comment l’utiliser » se dit-elle. « Ils auraient pu mettre un mode d’emploi ». Tout en maugréant contre la stupidité des quêtes et la maigreur des indices confiés, elle s’éloigna peu à peu du palais pour rejoindre l’entrée du Bourg. Cependant une voix familière l’arrêta.

« Toi qui a le cœur pur,
Toi dont les desseins sont empreints de gentillesse,
Toi qui a su trouver ces murs,
Toi dont le destin changera celui de cette forteresse,
La route est longue mais la solitude n’y est pas
Auprès de ton compagnon la clé tu trouveras
A l’arrivée de l’aube il guidera tes pas
Suis-le sans hésiter, le passé sera là. »

Après avoir répété plusieurs fois les dernières phrases pour ne pas les oublier, la fillette s’éleva et reprit son chemin. « Compagnon… », se disait-elle, « Je n’en vois qu’un seul dans ces terres désolées ». Arrivant aux portes du bourg elle s’arrêta  puis s’élança vers son ami à crinière.
« Alors comme ça tu connais le chemin », dit la fée de sa voix chantante.
Revoir son compagnon d’aventure lui faisait plus de bien qu’elle ne l’avait imaginé. Les épreuves du passé s’en voyaient atténuées. D’un coup de tête, l’équidé lui fit comprendre qu’elle devait monter sur son dos. Quelque chose avait dû se passer pendant la visite du château car dans les yeux du cheval une nouvelle flamme de connaissance brillait. Le soleil se levait sur la plaine alors que sous un vent chaud et portant en lui des cendres rougeoyantes d’une source inconnue, ils galopaient. Les hennissements de l’animal retentissaient dans l’étendue vide comme dans la gorge d’une montagne. Regardant aux alentours la fée réalisa que les herbes rouges étaient faites de cendres et, se désagrégeant sous les assauts du vent et des sabots, elles s’envolaient et étaient emportées par le souffle.

Peu à peu le désert se rapprochait et du sable s’ajouta aux débris d’herbes. Il leur fallut une journée pour arriver à un canyon entre deux plateaux. Ils s’arrêtèrent alors pour passer la nuit. La faim se faisait sentir et autour d’eux n’était que terre sableuse et amas rocailleux. La fillette commençait à s’inquiéter pour son compagnon à quatre pattes qui, a priori, n’avait pas quitté les alentours du lac où le peu d’herbe jaune était accumulé. Elle se demanda si davantage de préparatifs n’auraient pas été nécessaires avant de se lancer à la conquête du désert. Son esprit se mit à réfléchir à toute vitesse à un moyen de trouver des vivres pour le cheval, n’étant pas inquiète pour son alimentation propre car il lui suffit d’un petit pois pour tenir cinquante ans en activité et bien plus en sommeil profond - bien qu’aucune durée n’a jamais été définie puisqu’aucune fée n’a eu la patience de tenter l’expérience. Cependant, après une dizaine de minutes et une observation des alentours allant jusqu’à soulever des rochers de petite taille pour voir si des brins d’herbe ou de la mousse n’y seraient pas cachés, elle dut se rendre à l’évidence qu’il n’y avait rien de comestible pour un équidé. Elle frappa alors dans un caillou du bout de son pied, désespérée par sa propre bêtise. Un bruit étrange lui répondit, comme si la pierre avait frappé quelque chose de dur mais creux. Rapidement, elle contourna le rocher au-dessus duquel le projectile avait été emporté et ne vit strictement rien, étudia de nouveau minutieusement les alentours jusqu’à retrouver le caillou mais ce fut tout ce qu’elle découvrit. Encore plus énervée qu’auparavant, grommelant sans cesse la même question : « Fallait-il vraiment que tout soit si compliqué dans cette quête ? », la fée fit les cent pas. Soudain, son pied droit ressentit une vibration étrange et le même écho que précédemment arriva à ses oreilles. Au sol, à l’endroit même où elle se tenait, le sol était étrangement nacré. Quelque chose était enterrée là. Se demandant de quoi il pouvait s’agir, elle commença à creuser rapidement avec la lame mais au bout de quelques minutes cette dernière se mit à briller d’une lueur rouge et vibra. Effrayée, la pauvre fillette tenta de décrocher la dague de son bras, se griffant la peau dans ses efforts désespérés alors que tout son bras tremblait par l’action de l’arme.

Tout aussi violemment que cela avait débuté, la vibration cessa mais pas le rougeoiement qui au contraire s’intensifia si bien que quiconque se serait trouvé à moins d’un kilomètre de là aurait dû se protéger les yeux. La lumière se réduisit et sur la lame des mots se formèrent puis s’estompèrent comme s’ils étaient tracés au fer rouge puis refroidit. « Je ne suis pas faite pour de si basses besognes » était-il écrit en lettres droites avec une écriture très raide.
« Elle… parle ? »
La lueur restante s’estompa.
« Tu parles ? Tu peux m’entendre. »
La lame ne broncha pas. La fée se demandait si elle n’avait pas rêvé. Il n’y avait qu’un moyen pour en être sûre. Elle plongea à nouveau l’acier dans le sol et retourna un peu de terre.
- Non mais ça va oui !? s’inscrivit en lettres rouges.
- Ahaha, j’ai la confirmation que tu parles, se mit à exulter la petite créature
- … et en plus elle est fière d’elle
- Et que tu m’entends !
- De mieux en mieux…
- Qui es-tu ?
-  Mon nom est Balicurex, fut ainsi écrit mais cette fois-ci en lettres liées laissant une impression de douceur du tracé.
- Enchantée
- Tu pourrais au moins te présenter !
Les mots étaient à nouveau raides, la main invisible appuyant durement sur le fer.
- Hum, non désolée c’est contraire à la loi de ce monde ! répliqua la fillette d’une voix peinée
- Qui a pu écrire une règle aussi sotte ?  
- A ton avis… dit-elle en regardant en l’air, faisant rouler ses yeux.
- … Je l’avais oubliée celle-là.
Alors qu’elles discutaient ainsi, l’une par les mots, l’autre par les lettres, le cheval s’approcha et entreprit de creuser la terre, intéressé par l’étrange bruit que faisaient ses sabots en rencontrant le mystérieux objet.
- Tu vois qu’il y a des gens mieux adaptés à ce type de travail, fit remarquer la lame.
- Hé ! Tu te crois supérieure à lui ou quoi ?  
- En taille de cerveau, oui.
- Je ne sais pas où il est… mais a priori tu ne fais pas plus de 5 millimètres d’épaisseur...
- Ah ah ah très amusant, répliqua l’écriture de nouveau raide.
La fée ne répondit pas, fixant l’objet enfin déterré : un magnifique arrosoir de nacre précieux, fait d’un entrelacs savant de coquillages. Que pouvait faire un instrument pareil à l’entrée même du désert ? Il était totalement vide. « Normal, il était enterré », se dit-elle. Cependant une étrange réflexion était causée par la lumière sur une partie de l’arrosoir. A cet endroit là, écrit en minuscule, était noté ceci : « Trouvez mes deux compagnons, pour vaincre les démons. ». Encore un indice bien maigre pour l’aventurière, mais sachant que tout serait découvert en temps voulu, elle accrocha l’ustensile sur le dos de son ami en tressant une fine cordelette avec plusieurs de ses cheveux (pour cela, elle coinçait sous ses pieds deux cheveux et faisait passé le troisième avec sa bouche puis poursuivait en changeant de mèche). A peine avait-elle fini de le pendre bec en bas, qu’un mince filet d’eau s’en écoulait. Et devant ses yeux ahuris, chaque goutte qui touchait le sol le transformait en terre fertile et de fins brins d’herbe en sortaient, bien vite engloutis par l’équidé.
« Eh bien au moins, on ne mourra pas de faim » pensa la fée. Elle observa une dernière fois, le sable voltigeant provenant du désert, puis s’installa dans la crinière de son compagnon pour la nuit, laissant les étoiles veiller sur elle.

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