terre-vue-d-anouck

Des mots couchés sur pixel

Lundi 23 août 2010 à 23:32

Je me réveillai en sentant ce rien qui entoure la fin du sommeil et le début de l’éveil. Peu à peu, je fus à nouveau consciente de mes muscles, de mon état, de mon corps. J’éventrai soigneusement la torpeur qui tentait de m’englober en son sein et entreprit le difficile effort d’ouvrir mes paupières. La lumière frappa mes pupilles qui se rétractèrent sous le choc, m’arrachant du même coup un grognement sonore. Mon bras se leva instinctivement avant de s’abattre sur l’autre moitié du lit, celle où était étendu un oreiller encore aplati par mes coups. Il n’était pas revenu finalement. Je griffai les draps, arrachant la housse du matelas et m’enroulant dedans. Je glissai du lit et tombai dans un bruit mat du corps qui s’affale sur du tissu puis sur le sol. Je ne sais pas combien de temps je restais là. Je ne m’endormais pas, restant dans un état second, conscient et insoumis à la réalité.
Un bruit vibra dans mon oreille, la pluie au dehors qui battait sur le pavé, sur le balcon et sur mon esprit endolori. Pas question de bouger ! Je remuai violemment, tentant de m’extirper de mon cocon, grognant, geignant et finalement hurlant. Je n’ai jamais su d’où venait ce cri, mais il me surprit moi-même. Une sorte de bestialité et une douleur en émanaient comme des grandes lettres écrites au-dessus de moi, comme un néon lumineux clignotant dans une nuit noire, comme le sifflet d’un train dans le matin d’hiver après la tombée de la neige. Mes pleurs se joignirent au concert et je vibrai et je tremblai de tout ce que j’avais accumulé, je frappai le cocon de tissu dont je n’arrivai pas à sortir, je me tordis en vain. J’écoutai la pluie, douce dans sa chute, dure dans sa rencontre avec le sol. Au milieu de la pluie, il y avait cette gouttière, celle qui contient des feuilles mortes accumulées, voire un cadavre de piaf, celle qui à ce moment précis jouait pour moi une tendre symphonie. Je l’écoutais longtemps, la nuit tomba, je m’endormis, je me réveillai, je me rendormis.

Je me réveillai en sentant ce rien qui entoure la fin du sommeil et le début de l’éveil. Peu à peu, je fus à nouveau consciente de mes muscles, de mon état, de mon corps. La pluie avait continué, j’écoutai sa mélodie, cherchant les notes de la gouttière. A nouveau je tentai de m’extirper de ma prison de tissu, cette fois-ci en gardant mon calme. Je senti que quelque chose avait changé en moi durant cette nuit. Il y avait quelque chose dans la tristesse qui m’emplissait, comme une mélodie de gouttière. Etrangement elle me donnait de la joie, une sorte d’espérance insensée. Je me rappelai ce choix qu’on a de continuer à vivre, de garder en soi les souvenirs heureux ou tristes, de ressentir et de chercher quelque chose. Mes pensées vagabondèrent vers les coins de ma mémoire, les projets souvent reportés, les folies que je n’avais pas encore faites. Je serai triste c’est sûr mais ce sera mieux que ce vide qui m’étreignit cette nuit-là.

Les tissus s’écartèrent, révélant mon corps ankylosé. Je me levai d’un coup, basculai, me rattrapai, courus le long du couloir, amenant des paroles aux bords de mes lèvres avant de les ravaler sans un bruit. Je me précipitai aux toilettes et m’assis sur le trône. Alors je ris, et je ris fort, de ce rire de soulagement qui suit les tourments. Il avait fallu, pour me sortir de ma torpeur sans vie, une mélodie des gouttières qui me donna envie de pipi.

Mardi 10 août 2010 à 23:03

Le ventriloque sourd sentait dans son ventre vibrer la saveur des mots. Dans les yeux des gens se trouvait le ton juste, dans son talon posé sur le sol remontaient les applaudissements. Entouré d'une brume d'émotions et de sensations, le battement de l'air, le souffle des sentiments. Il n'aimait pas le silence pour les autres, aussi le rire était son allié. Il appréciait par contre le fait qu'il en jouissait autant qu'il le voulait car le monde auquel il avait accédé était plus juste et coloré que celui d'avant.
Lentement s'insinuaient jusqu'à lui sourires et soupirs dans une turbulence éolienne, impatiences et crispations dans le tremblement du sol, en une vague de formes indistinctes et brèves, difficiles à traduire et pourtant… Les yeux de la réalité, le souffle de l'indistinct mêlés dans un fleuve mouvant qui apporte une vérité que seul celui qui écoute vraiment peut entendre. Cette atmosphère et ambiance ressentie sans pouvoir la définir et qui recèle beaucoup plus d'informations que ce qui est lu en elle. Il était curieux car il savait que jamais une réalité n'existerait pour elle et comme un homme devant les livres de toutes les connaissances il s'imprégnait de ce qu'il pouvait récolter.

Le ventriloque était sourd mais le pantin qui prolongeait son bras ne l'était pas. De bois creux étaient sa tête, son buste et ses membres, et en lui semblaient vibrer et résonner tant de sons qu'il était à la fois entendant et parlant. La douce symphonie du bois courant chaque nervure, chaque écharde, mêlant en lui les paroles des hommes, malaxant et puisant en elles pour les transformer en un chant de forêt. Il était le pantin dans la vie d'un sourd emplie de mélodies.

Mardi 10 août 2010 à 23:02

Once upon a time there was a little boy who loved making knots.
He began by knot some strings, then his sheets and his windows' curtains.
His parents were annoyed by his mania, but they though "it's nothing, it will pass".
However a month after his first knot, anything that the little boy could reach was knotted, even his father's mustache! "Perhaps it won't pass after all" thought his parents. They took him to a psychologist who drawled: "He needs a lot of broccolis and one spoon of honey per day".  The little boy's parents were skeptical but they followed his advices.

After another month… no result. The little boy began to knot even at school and the principal was really angry. He said that their son would go outside when he would have untied all the knots.
That evening his parents argue about his behavior. The little boy woke up and came to the living-room where his parents stood. He came near his mother and knotted her lips together. And then he made the same thing to his father. "My training was useful after all", he said and then he went to bed, happy.


Il était une fois un petit garçon qui adorait faire des nœuds.
Il commença par nouer quelques ficelles, puis ses draps et les rideaux de ses fenêtres.
Ses parents étaient ennuyés par sa manie, mais ils pensèrent "Ce n'est rien, ça lui passera".
Cependant, un mois après son premier nœud, tout ce que le petit garçon pouvait atteindre du haut de sa taille était noué, même la moustache de son père! "Peut-être que ça ne lui passera pas, après tout" pensèrent ses parents. Ils l'emmenèrent chez un psychologue qui dit d'une voix traînante "Il a besoin d'une grande quantité de brocoli et d'une cuillère de miel par jour". Les parents du petit garçon furent sceptiques mais ils suivirent ses conseils.

Après un nouveau mois... aucun résultat. Le petit garçon commença à faire des nœuds même à l'école et le directeur fut vraiment en colère. Il dit que leur fils retournerait dehors uniquement après avoir dénouer tous les nœuds.
Ce soir-là, ses parents se disputèrent au sujet de son comportement. Le petit garçon se leva et se rendit dans le salon où ses parents se trouvaient. Il alla près de sa mère et noua ses lèvres l'une à l'autre. Puis il fit la même chose à son père. "Mon entraînement était utile après tout", dit-il et il alla se coucher, heureux.

Mardi 10 août 2010 à 22:58

Le cheval lié du Roi Ihaume était un être valeureux. Il aimait partir, portant son homme et son armure étincelante. Un jour, passant devant la chatte en laine, il s'arrêta et la hêla.
- Êau... commença-t-il.
Alors elle lui lança la cruche qui était à côté de sa mante sarde. Le cheval lié attrapa au vol la pauvre niaise qui était en fait la dame de compagnie de la chatte en laine et reprit.
- Toi belle et toile... mais il fut à nouveau interrompu par le cheval laid qu'il reçut alors.
Bien encombré, il déposa l'objet et essaya à nouveau de faire sa cour. Arrivèrent alors gentilshommes et femmes de goût qui se pressèrent autour de lui mais leurs bavardages incessants étaient si bruyants qu'il dut les chasser et trouver par la même occasion une autre idée.
Il avisa le peuple lié qui était tassé en bas du mur, attendant sans doute une sentence. Il y grimpa, faisant face aux jurons et points tendus, récoltant une note élevée de 8,70 sur 10.
Arrivé au sommet, il put atteindre la mante sarde mais ne pensa pas, en s'y agrippant, qu'elle ne pourrait supporter son poids. Il chuta donc et roula et roula, jusqu'à s'arrêter au pied d'un bar rageux de ne pas être mouillé.
Il découvrit alors que les fleuves de la région avaient été détournés. Cela lui donna une idée.
- Madame, dit-il. Si je pouvais retrouver les fleuves de vos contrées, voudriez-vous mes poux et mon amour?
La chatte en laine réfléchit un instant puis répondit depuis l'ode de sa tour.
- Eh bien, cheval lié, j'accepte votre proposition !
- Dans ce cas j'aimerai que vous soyez con tractante afin de m'assur...
Il ne put finir car la chatte en laine lui lançait tout ce qu'elle trouvait, de son mobile lié à son réseau de souterrain, aux portes et mantes sardes qu'elle arrivait à décrocher.
S'enfuyant sous le bruit lent des luges, le cheval lié s'abrita sous un haut vent qui lui souffla à l'oreille la direction à prendre pour trouver la cachette des courts dos. Elle se situait dans le village des nains.

Mardi 10 août 2010 à 22:51

Ma vie n'est qu'un chargement qui n'a jamais abouti : depuis que j'ai vu mes premiers pixels de vie en passant par mon premier virus pour aboutir à l'heure serveur d'aujourd'hui.
Jamais je n'aurais cru qu'autant de bugs puissent s'accumuler ainsi, sans aucun patch, passant d'une version à l'autre, de l'enfance à l'âge adulte, sans trouver le correctif.
Après avoir pris quelques kilos dus à mon travail de bibliothécaire et d'indexation des documents, je cherchais en vain une version light ou encore un régime d'efficacité rar. Ma vie sombra alors dans un mode lecture seule et je restais inerte face aux changements qui s'opéraient tout autour. Plus le temps passait et plus je me sentais vidé, comme si ma batterie était en fin de vie. J'espérais trouver une nouvelle source d'énergie, quelque chose, quelqu'un à qui me raccorder.
Et enfin un jour je la vis, ce fut le coup de foudre, le courant passa entre nous. Je voyais la vie en rgb(238,143,242).

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