Les larmes, la sueur et le sang se mêlaient sur son visage,
Mais de ses lèvres ne surgissait aucun message.
La douleur, le supplice lui semblaient sans fin
Mais tel le roseau, il pliait et ne rompait point.
Peu à peu dans son cœur la rage s’insinuait
Alors que ses bourreaux, tout autour, s’affairaient.
Noir, noir, NOIR tel était son esprit.
Un grognement sonore s’élança dans la nuit.
Les chaînes s’entrechoquaient sous ses assauts répétés.
Son sang coulait lentement de son corps tailladé.
Les yeux des autres, de peur devenaient blancs
Alors que la table entière était prise de tremblements.
Encore, toujours, sans cesse, le pauvre endiablé
Secouait tout son être comme un homme possédé.
Mais l’un de ses bourreaux reprit soudain conscience
Et saisit un métal en pleine incandescence.
Les cris de toute son âme se mêlèrent à sa gorge
Et dans une explosion qui fit trembler la forge
Ses chaînes se rompirent dans un bruit de tonnerre
Devant les regards vides de ses tortionnaires.
Les cinq contre un seul s’élancèrent vers lui
Menaçants, terrifiants sous leurs masques de nuit.
Mais la colère de l’homme au corps ensanglanté
Lui redonnait des forces, le laissait espérer.
Tel un être vivant redevenu golem,
Il les frappait tous, du premier au cinquième.
Tant de haine et de rage accumulées dans le temps
L’avaient rendu bourreau, les autres des enfants.
Lorsque tous furent morts, il alla vers les portes
Mais il était affaibli et elles étaient si fortes.
Un vent de la serrure fut son jugement dernier
Mais cela lui suffit, il mourut libéré.
terre-vue-d-anouck
Des mots couchés sur pixel
Mardi 10 août 2010 à 23:02
Mardi 10 août 2010 à 23:00
Il y avait sur cette terre un nuage de poussière.
Une poussière froide et grise qui bouffait la lumière.
Des ombres s'élançaient au travers de cette nuit,
Ames en peine égarées dans un lourd infini.
Le gris emportait tout dans la poussière volante,
Les marchés, les parvis, les paysages, les plantes.
Tous les hommes revêtaient un costume de grisaille
Reflet de leurs esprits que les tourments cisaillent.
A côté de cette brume, se tenait une enfant,
Observant l'aquarium de ce monde latent.
Elle le frôla du doigt, sentant toute sa froideur
Et préféra rester dans son monde de douceur.
Mais l'enfant grandissait, s'approchait de plus près
De ce mur de brouillard qui sans cesse l'attirait.
Et quand elle le touchait il lui semblait moins froid,
Sans voir que la chaleur avait quitté ses doigts.
Un jour elle pénétra dans la brume des envies
Et tout se referma, n'offrant plus de sortie.
Elle combattit d'abord puis se laissa aller,
Suivant les formes grises qui comme elle s'y mouvaient.
Parfois il arrivait qu'elle sente la fine chaleur
Volatile et sereine de ce monde de douceur
Mais elle ne laissait place qu'à ce gris déprimant
Et son coeur attristé voyait s'enfuir l'instant.
Pourtant dans ce brouillard qui toujours l'entourait
Elle conservait l'espoir et recherchait la paix,
Un jour elle décida de marcher vers l'avant,
Ne pas se retourner, poursuivre son but ardent.
Elle marchait depuis peu ou bien depuis longtemps
Quand un arbre doré apparut du néant.
Ses doigts cherchèrent vivement les replis de l'écorce
Suivis du cliquetis d'un système qu'on amorce.
Comme au fond d'un ravin, elle perçut un écho,
Un battement, une plainte qui remplissait ses os.
Son coeur battait maintenant comme celui de l'enfant
Qu'elle avait écarté au profit d'un séant.
Le brouillard s'éloigna, des couleurs s'invitèrent,
Elle vit les gens restés dans la brume sectaire,
Des petites formes tapies l'observaient bouches bées,
Premier adulte sortit de cette obscurité.
Elles formèrent une ronde autour de l'invitée
Et la femme étourdit par les rires irisés
Se laissa choir ravie au milieu des enfants,
Se rappelant de l'arbre qu'avant elle aimait tant.
Elle se voyait courir, embrassant son écorce
Se hissant dans ses branches avec sa petite force.
Elle s'endormait ravie au pied de son ombrage
Inventant le passé d'un arbre d'un tel âge.
Après de longues heures elle se leva enfin,
Repartit vers la brume qui sévissait au loin.
Elle était de ce monde où les adultes se leurrent
Et elle y retournait les mains pleines de couleurs.
Car ce n'est sûrement pas en perdant l'innocence
Que l'on perd les bonheurs tout simples de l'enfance
Une poussière froide et grise qui bouffait la lumière.
Des ombres s'élançaient au travers de cette nuit,
Ames en peine égarées dans un lourd infini.
Le gris emportait tout dans la poussière volante,
Les marchés, les parvis, les paysages, les plantes.
Tous les hommes revêtaient un costume de grisaille
Reflet de leurs esprits que les tourments cisaillent.
A côté de cette brume, se tenait une enfant,
Observant l'aquarium de ce monde latent.
Elle le frôla du doigt, sentant toute sa froideur
Et préféra rester dans son monde de douceur.
Mais l'enfant grandissait, s'approchait de plus près
De ce mur de brouillard qui sans cesse l'attirait.
Et quand elle le touchait il lui semblait moins froid,
Sans voir que la chaleur avait quitté ses doigts.
Un jour elle pénétra dans la brume des envies
Et tout se referma, n'offrant plus de sortie.
Elle combattit d'abord puis se laissa aller,
Suivant les formes grises qui comme elle s'y mouvaient.
Parfois il arrivait qu'elle sente la fine chaleur
Volatile et sereine de ce monde de douceur
Mais elle ne laissait place qu'à ce gris déprimant
Et son coeur attristé voyait s'enfuir l'instant.
Pourtant dans ce brouillard qui toujours l'entourait
Elle conservait l'espoir et recherchait la paix,
Un jour elle décida de marcher vers l'avant,
Ne pas se retourner, poursuivre son but ardent.
Elle marchait depuis peu ou bien depuis longtemps
Quand un arbre doré apparut du néant.
Ses doigts cherchèrent vivement les replis de l'écorce
Suivis du cliquetis d'un système qu'on amorce.
Comme au fond d'un ravin, elle perçut un écho,
Un battement, une plainte qui remplissait ses os.
Son coeur battait maintenant comme celui de l'enfant
Qu'elle avait écarté au profit d'un séant.
Le brouillard s'éloigna, des couleurs s'invitèrent,
Elle vit les gens restés dans la brume sectaire,
Des petites formes tapies l'observaient bouches bées,
Premier adulte sortit de cette obscurité.
Elles formèrent une ronde autour de l'invitée
Et la femme étourdit par les rires irisés
Se laissa choir ravie au milieu des enfants,
Se rappelant de l'arbre qu'avant elle aimait tant.
Elle se voyait courir, embrassant son écorce
Se hissant dans ses branches avec sa petite force.
Elle s'endormait ravie au pied de son ombrage
Inventant le passé d'un arbre d'un tel âge.
Après de longues heures elle se leva enfin,
Repartit vers la brume qui sévissait au loin.
Elle était de ce monde où les adultes se leurrent
Et elle y retournait les mains pleines de couleurs.
Car ce n'est sûrement pas en perdant l'innocence
Que l'on perd les bonheurs tout simples de l'enfance
Mardi 10 août 2010 à 22:58
Le cheval lié du Roi Ihaume était un être valeureux. Il aimait partir, portant son homme et son armure étincelante. Un jour, passant devant la chatte en laine, il s'arrêta et la hêla.
- Êau... commença-t-il.
Alors elle lui lança la cruche qui était à côté de sa mante sarde. Le cheval lié attrapa au vol la pauvre niaise qui était en fait la dame de compagnie de la chatte en laine et reprit.
- Toi belle et toile... mais il fut à nouveau interrompu par le cheval laid qu'il reçut alors.
Bien encombré, il déposa l'objet et essaya à nouveau de faire sa cour. Arrivèrent alors gentilshommes et femmes de goût qui se pressèrent autour de lui mais leurs bavardages incessants étaient si bruyants qu'il dut les chasser et trouver par la même occasion une autre idée.
Il avisa le peuple lié qui était tassé en bas du mur, attendant sans doute une sentence. Il y grimpa, faisant face aux jurons et points tendus, récoltant une note élevée de 8,70 sur 10.
Arrivé au sommet, il put atteindre la mante sarde mais ne pensa pas, en s'y agrippant, qu'elle ne pourrait supporter son poids. Il chuta donc et roula et roula, jusqu'à s'arrêter au pied d'un bar rageux de ne pas être mouillé.
Il découvrit alors que les fleuves de la région avaient été détournés. Cela lui donna une idée.
- Madame, dit-il. Si je pouvais retrouver les fleuves de vos contrées, voudriez-vous mes poux et mon amour?
La chatte en laine réfléchit un instant puis répondit depuis l'ode de sa tour.
- Eh bien, cheval lié, j'accepte votre proposition !
- Dans ce cas j'aimerai que vous soyez con tractante afin de m'assur...
Il ne put finir car la chatte en laine lui lançait tout ce qu'elle trouvait, de son mobile lié à son réseau de souterrain, aux portes et mantes sardes qu'elle arrivait à décrocher.
S'enfuyant sous le bruit lent des luges, le cheval lié s'abrita sous un haut vent qui lui souffla à l'oreille la direction à prendre pour trouver la cachette des courts dos. Elle se situait dans le village des nains.
- Êau... commença-t-il.
Alors elle lui lança la cruche qui était à côté de sa mante sarde. Le cheval lié attrapa au vol la pauvre niaise qui était en fait la dame de compagnie de la chatte en laine et reprit.
- Toi belle et toile... mais il fut à nouveau interrompu par le cheval laid qu'il reçut alors.
Bien encombré, il déposa l'objet et essaya à nouveau de faire sa cour. Arrivèrent alors gentilshommes et femmes de goût qui se pressèrent autour de lui mais leurs bavardages incessants étaient si bruyants qu'il dut les chasser et trouver par la même occasion une autre idée.
Il avisa le peuple lié qui était tassé en bas du mur, attendant sans doute une sentence. Il y grimpa, faisant face aux jurons et points tendus, récoltant une note élevée de 8,70 sur 10.
Arrivé au sommet, il put atteindre la mante sarde mais ne pensa pas, en s'y agrippant, qu'elle ne pourrait supporter son poids. Il chuta donc et roula et roula, jusqu'à s'arrêter au pied d'un bar rageux de ne pas être mouillé.
Il découvrit alors que les fleuves de la région avaient été détournés. Cela lui donna une idée.
- Madame, dit-il. Si je pouvais retrouver les fleuves de vos contrées, voudriez-vous mes poux et mon amour?
La chatte en laine réfléchit un instant puis répondit depuis l'ode de sa tour.
- Eh bien, cheval lié, j'accepte votre proposition !
- Dans ce cas j'aimerai que vous soyez con tractante afin de m'assur...
Il ne put finir car la chatte en laine lui lançait tout ce qu'elle trouvait, de son mobile lié à son réseau de souterrain, aux portes et mantes sardes qu'elle arrivait à décrocher.
S'enfuyant sous le bruit lent des luges, le cheval lié s'abrita sous un haut vent qui lui souffla à l'oreille la direction à prendre pour trouver la cachette des courts dos. Elle se situait dans le village des nains.
Mardi 10 août 2010 à 22:51
Ma vie n'est qu'un chargement qui n'a jamais abouti : depuis que j'ai vu mes premiers pixels de vie en passant par mon premier virus pour aboutir à l'heure serveur d'aujourd'hui.
Jamais je n'aurais cru qu'autant de bugs puissent s'accumuler ainsi, sans aucun patch, passant d'une version à l'autre, de l'enfance à l'âge adulte, sans trouver le correctif.
Après avoir pris quelques kilos dus à mon travail de bibliothécaire et d'indexation des documents, je cherchais en vain une version light ou encore un régime d'efficacité rar. Ma vie sombra alors dans un mode lecture seule et je restais inerte face aux changements qui s'opéraient tout autour. Plus le temps passait et plus je me sentais vidé, comme si ma batterie était en fin de vie. J'espérais trouver une nouvelle source d'énergie, quelque chose, quelqu'un à qui me raccorder.
Et enfin un jour je la vis, ce fut le coup de foudre, le courant passa entre nous. Je voyais la vie en rgb(238,143,242).
Jamais je n'aurais cru qu'autant de bugs puissent s'accumuler ainsi, sans aucun patch, passant d'une version à l'autre, de l'enfance à l'âge adulte, sans trouver le correctif.
Après avoir pris quelques kilos dus à mon travail de bibliothécaire et d'indexation des documents, je cherchais en vain une version light ou encore un régime d'efficacité rar. Ma vie sombra alors dans un mode lecture seule et je restais inerte face aux changements qui s'opéraient tout autour. Plus le temps passait et plus je me sentais vidé, comme si ma batterie était en fin de vie. J'espérais trouver une nouvelle source d'énergie, quelque chose, quelqu'un à qui me raccorder.
Et enfin un jour je la vis, ce fut le coup de foudre, le courant passa entre nous. Je voyais la vie en rgb(238,143,242).
Mardi 10 août 2010 à 22:46
Chapitre 12 : L'ennemi s'éveille
Après avoir laissé passer une dizaine de minutes, assis en cercle, les amis se levèrent d'un commun accord et rejoignirent à pas las la plaine. Ils n'avaient pas l'air de fiers héros sous le ciel du crépuscule : Zinéta avait le teint plus pale que jamais, Line avançait d'un pas raidi car son dos la lançait encore et Giro était légèrement voûté, se tenant le ventre. La fée voletait à leur côté, cherchant les mots d'encouragement qui leur permettraient de leur rendre la confiance en leur quête. Le soleil enfouissait ses derniers rayons dans l'herbe rouge entrecoupée pourtant ça et là de brins verts. Au loin ils entendirent le hurlement d'un loup et Zinéta frémit. Alors qu'ils avançaient droit devant eux, sans but apparent, la terre se mit à vibrer. Les trois compagnons s'arrêtèrent, incompris de la fée qui ne ressentait pas le mouvement. Soudain, à quelques mètres, la terre se souleva et une main squelettique en sortit, bientôt suivie d'un bras et d'un crâne.
- Des Stalfos, s'écria Line, reprenant immédiatement sa mentalité de combattante courageuse devant le danger immédiat et sortant son épée de son fourreau.
Giro, posé comme à son habitude, voulut se saisir de sa dague, pendue habituellement à sa ceinture, dissimulée sous sa cape, mais sa main trouva du vide.
- Line, dit-il de sa voix grave. Tu as ma dague.
La jeune fille le regarda avec des yeux ronds et rougit en détournant les yeux.
- Je… Je l'ai oubliée dans le lac, bredouilla-t-elle.
- Super… C'est vraiment pas un bon jour.
- Ne t'en fais pas, je vais te protéger !
- Pense plutôt à Zinéta..., répliqua-t-il avec un regard froid.
- Mais…
Sa phrase fut interrompue par un autre soulèvement de terre et un deuxième Stalfos débuta sa sortie.
- On va la protéger tous les deux, ils nous attaquent sur plusieurs fronts…pas le choix, dit Giro pour couper court à la discussion.
Line se contenta de hocher la tête avant de concentrer son regard et son esprit sur le monstre d'os qui lui faisait face. C'était le premier des deux Stalfos et son corps était presque totalement à l'air libre. Raffermissant le maintien de sa lame, Line s'élança sans attendre, il fallait qu'elle en finisse au plus vite pour venir en aide à Giro. Elle abattit avec un cri son épée sur le crâne du monstre qui se fêla sous le choc mais cela sembla inefficace puisque les orbites vides continuaient de la fixer de toute l'intensité et la noirceur du pouvoir ténébreux qu'elles renfermaient. Sans perdre sa contenance elle réitéra le geste, espérant cette fois-ci couper en deux l'os déjà fragilisé. Mais sa lame en toucha une autre, le Stalfos avait bloqué son coup de la lourde claymore qui lui servait d'arme. La jeune fille recula dans un saut périlleux arrière et jaugea son adversaire qui était tout à fait à son niveau désormais. Il mesurait près de deux mètres cinquante et ses os luisaient d'une lumière fade, presque éteinte. Un pagne de tissu déchiré lui ceignait les hanches et il tenait son épée à deux mains mais avec une inattendue fluidité vis-à-vis de la lourdeur de l'arme. Sa claymore mesurait près d'un mètre soixante. Comparée à elle, celle de Line ressemblait à un cure-dent. Tout de suite elle pensa que malgré sa taille, sa maigreur morbide lui permettait de se mouvoir aisément et que sa force devait être impressionnante. Un coup la mettrait à terre sans aucune difficulté. De son pied droit elle creusa l'herbe pour avoir un meilleur appui puis elle s'élança vers le flan gauche du monstre, le plus éloigné de son arme. Le Stalfos fit tourner son épée et l'abattit, soulevant un nuage de cendres d'herbes rouges au passage. Mais à sa grande surprise Line n'était pas à l'endroit prévu, elle l'avait pris à contre-pied et avait subitement changé de trajectoire pour pouvoir toucher son bras. Malheureusement sa tactique n'avait marché qu'à moitié car le coup qu'elle avait porté n'avait suffit qu'à rompre le radius alors que le cubitus, légèrement lésé, tenait encore, laissant l'avant-bras réduit de moitié mais toujours capable de tenir la claymore. Elle s'était déjà écartée avant que le monstre ne tourne la tête. Il fallait maintenant user d'une autre feinte car il ne serait plus surpris par celle-là. Concentrée, le bruit de terre qui s'ouvre n'attira pas son attention. La jeune fille retourna l'épée dans sa main, tenant la lame vers le bas puis se précipita cette fois sur le flanc droit du Stalfos. Celui-ci réagit avec une attaque circulaire mais manqua à nouveau son coup. En effet, Line avait déjà plongé entre ses jambes et la claymore était passée bien au-dessus de sa tête. Elle en avait profité pour frapper l'arrière de la rotule squelettique et le coup avait été si puissant que le Stalfos s'écroula, privé de son tibia et de son pied gauche. Rageur, il voulut frapper avec toute sa force mais son cubitus se rompit et la lame se planta dans le sol aux pieds de la jeune fille. Elle s'approcha alors et coupa rapidement son cou avant d'enfoncer sa lame dans une de ses orbites, éliminant le monstre. Les os de celui-ci tombèrent en un petit tas qui s'effaça en poussières au premier souffle de vent.
Essoufflée mais encore vaillante, Line se retourna.
Giro était en train de se battre contre deux Stalfos… et à mains nues. Tel un félin, il se mouvait avec rapidité et précision, évitant coup sur coup et portant des attaques avec seulement deux de ses doigts sur des endroits précis des corps d'ossements. Il était vraiment doué en combat non aquatique. Line allait venir à son aide quand un bruit de terre retournée attira son attention et qu'un nouveau monstre sortit du sol. Les yeux de la jeune fille eurent juste le temps d'apercevoir son compagnon frapper à la nuque l'un des monstres et se figèrent sur son ennemi. Le son indistinct d'ossements qui tombent les uns sur les autres ainsi que la poussière qui s'envola dans le vent, lui indiquèrent que Giro était bien plus puissant qu'elle ne l'avait imaginé. Mais le monstre cadavérique sortit de terre plus vite que prévu et elle fut trop lente à se retourner. Elle n'eut le temps de voir que le tranchant de la lame arriver à sa tête. Cependant à quelques centimètres de son visage, l'arme s'arrêta et Line put voir la fée qui attaquait directement les globes oculaires du monstre à l'aide de Balicurex. Se posant à l'intérieur de l'un d'eux, elle transperçait de sa lame les infinies ténèbres de l'esprit torturé. Esquivant ensuite rapidement les doigts squelettiques, ses attaques reprenaient et le monstre géant semblait combattre un ennemi invisible tant ses mouvements étaient désordonnés. Line allait aider Giro quand un nouveau Stalfos apparut. Derrière elle, la fée venait d'enfoncer sa lame si profondément que le Stalfos s'effondra, perdant la magie qui l'animait.
Enfin les cinq créatures retournèrent à l'état de poussière. Line essuya la sueur qui perlait sur son front d'un revers de manche. Elle regarda sa tunique beige aux manches bouffantes marron qui avait peu à peu tourné à un tissu chiffonné et sale alors qu'une demi-heure avant un bain forcé l'avait rendue à nouveau présentable. La jeune fille soupira puis se tourna vers Zinéta qui, debout et tendue comme une statue, regardait le soleil se coucher. Alors qu'elle s'approchait, Giro s'adressa à elle de sa voix grave et froide.
- C'est le mieux que tu puisses faire ?
Sa tête tourna tellement vite pour lui faire face qu'un petit craquement se fit entendre. Gardant contenance devant la stupidité de la scène et espérant ne pas avoir de torticolis, elle effectua lentement une rotation dans l'autre sens afin de remettre sa tête dans l'axe de son corps.
- Que veux-tu dire par là ? répondit-elle froidement.
- Que tu utilises beaucoup trop de mouvements inutiles.
- Ah ! Parce que pour toi, virevolter à deux mètres de hauteur c'est pas inutile peut-être ?
Elle se rappelait des deux tours qu'il avait faits autour du cou ou plutôt de la colonne vertébrale du Stalfos, comme s'il s'agissait d'une barre d'acrobatie et ce uniquement pour porter un coup à la nuque du monstre.
- Bien au contraire. Si tu avais bien observé, tu aurais remarqué que l'énergie de la rotation m'a permis de porter un coup d'une puissance bien supérieure à la simple pichenette à laquelle ma force m'aurait limité.
Line ouvrit la bouche pour répliquer, mais se ravisa. Il n'avait pas tort.
- Tu… Tu voudrais bien m'apprendre ?
Giro la regarda droit dans les yeux.
- Non…
Il se retourna et partit auprès de Zinéta qui le regarda d'un œil vide.
- Qu'est-ce qui ne va pas ?
L'air apeuré et les larmes qui emplissaient ses yeux surprirent Giro.
- Qu'est-ce que nous allons devenir ? dit-elle d'une voix faible et tremblante de tristesse et de désespoir.
- Ne t'en fais pas, nous retrouverons l'artefact.
Au son des larmes de Zinéta, Line s'approcha et la prit contre elle. Mais la jeune fille la repoussa.
- Vous ne comprenez pas ! C'est la fin !
Line et Giro se regardèrent et virent la même chose : des masques d'incompréhension.
- La nuit tombe ! hurla Zinéta.
Ils se tournèrent vers le couchant pour voir les derniers rayons du soleil renforcer la rougeur des herbes de la prairie. « A-t-elle peur du noir ? » pensèrent les deux compagnons.
- Vous n'allez pas me dire que vous ne savez pas ça !
- Pas quoi ? demanda la fée presque à regret.
- Lorsque la nuit tombe, les monstres sortent de terre, comme dans la légende de Link.
- Tu veux dire que… qu'il y en aura d'autres ?
Ils se regardèrent tous : Line en sueur, la fée qui s'était posée sur son épaule, Zinéta plus blanche que jamais et Giro toujours droit et fier mais dont les yeux montraient une appréhension croissante.
- Il faut trouver un abri, déclara Line d'une voix forte qui fit sursauter ses compagnons. La fée, si tu veux bien survoler les environs en quête d'un tel lieu, nous effectuerons des recherches depuis le sol.
La créature féérique s'envola donc et les amis poursuivirent leur route. Cependant la nuit se faisait plus noire et bientôt le hurlement d'un loup retentit dans le gris de la plaine. Ils virent devant eux une forme sombre, il s'agissait de deux grands arbres morts qui étaient tombés l'un sur l'autre sous les assauts du vent ou d'autres forces moins naturelles. Leurs troncs faisaient bien deux mètres de diamètre et à l'endroit où ils se croisaient, leurs branches sans feuilles mêlées formaient un abri sombre. Ils s'enfoncèrent vite dans la ramure et se tapirent là, la fée les y rejoignit, elle n'avait rien vu aux alentours qui puissent servir. Ils restèrent là un instant, tremblants de froid et de peur. Des bruits de terre retournée commencèrent à transparaître dans la nuit, de plus en plus proches. Le son du fer de la claymore frappant l'os des jambes des Stalfos dans le balancier de leur marche, les herbes écrasées qui partaient en cendres. Ils rabattirent hâtivement des branches devant eux, espérant que le bois noir les cacherait mais sachant bien qu'ils restaient visibles. Line et Giro étaient devant, prêts à passer à l'assaut si cela s'avérait nécessaire, quand bien même ce serait vers une mort certaine. Les bruits de pas tournaient autour d'eux. Ils apercevaient ça et là des pieds blancs se reflétant sous la Lune. Bientôt une ronde traînante se forma avec pour centre leur abri. Ils étaient repérés.
Line mit la main à sa garde, Giro releva ses manches pour avoir une meilleure saisie et Zinéta cacha la fée dans son gilet pour que sa lumière ne soit pas visible. Ils virent clairement des pieds devant eux à cinq mètres. Ces derniers tournèrent vers eux et avancèrent, la lame d'une claymore refléta la lumière de la Lune, sa pointe traçant un sillon dans la terre alors que son propriétaire marchait. Le Stalfos s'arrêta, ils virent ses jambes se plier légèrement et deux orbites vides se fixèrent sur eux. C'est tout du moins ce qu'ils crurent. Passèrent sur eux conviendrait mieux car, ne semblant pas les voir, son « regard » poursuivit son cours et bientôt il se redressa et partit du même pas traînant, dans un concert de raclements d'os sur os. Surpris, Giro et Line se regardèrent puis se tournèrent vers Zinéta pour savoir ce qu'elle en pensait. C'est alors qu'ils se rendirent compte qu'elle s'était agenouillée, avait posé l'index de sa main droite sur son front et celui de sa main gauche sur son cœur. Elle murmurait des mots incompréhensibles pour eux mais qui ressemblaient à la consonance de l'Hylien ancien. Ses lèvres continuèrent de remuer et aucun de ses compagnons ne voulait la déranger. Bientôt le bruit de pas des Stalfos disparut dans la nuit. Zinéta rouvrit les yeux.
- Comment as-tu fait ça ? demanda Line en s'élançant pour prendre son amie dans ses bras.
- A vrai dire je ne sais pas trop, cette magie semblait enfouie dans mon inconscient et quand nous nous sommes retrouvés devant ce danger, les incantations sont sorties d'elle-même.
- C'était vraiment super ! s'écria à son tour la fée en sortant de sa cachette et en voletant joyeusement.
Giro se contenta de hocher la tête mais son ventre émit un gargouillis tout à fait audible. Ils s'installèrent donc et commencèrent à manger. Malgré le fait qu'ils devaient faire attention à se rationner, Line avala deux fois la quantité prévue pour le dîner. En effet le combat lui avait fait dépenser beaucoup de calories et elle était affamée. Zinéta lui légua une part de sa pitance même si Giro montrait son mécontentement à cette idée.
- Si tu acceptais de m'apprendre à combattre en réduisant le nombre de mes mouvements, ça ne se passerait pas ainsi, le charia Line.
Le jeune homme soupira en réponse et alla se poster à l'entrée de l'abri pour le premier tour de garde. Cependant après une demi-heure ils se rendirent bien compte qu'aucun d'entre eux ne trouvait le sommeil alors que l'avenir était si incertain.
- Je sais que nous faisons route ensemble vers une même destinée, commença Line d'une voix douce. Et pourtant, nous nous connaissons à peine.
Quelques instants de silence s'en suivirent avant qu'elle ne reprenne la parole.
- Je suis née dans un petit village de la forêt. J'avais cinq frères plus âgés que moi. Ma mère et mon père considéraient que ce qu'il fallait absolument apprendre à leurs enfants était l'amour, l'entraide et l'honnêteté. J'ai tout de suite préféré aider mes frères et mon père au grand désespoir de ma mère. A six ans je savais couper le bois, fabriquer des coutelas et divers objets dans des branches de bois. J'adorais m'entraîner au combat avec mes frères. Vers mes neuf ans, mes parents pensèrent qu'il était temps que j'apprenne plus sérieusement les tâches des femmes car sinon je ne serais jamais bonne à tenir une maisonnée. On tenta de m'apprendre à cuisiner de bons petits plats mais je préférais faire fumer de la viande pour partir à l'aventure et confectionner des pains de voyages. Pour la couture, je fabriquais uniquement des sacoches et des vêtements en cuir. Je crois que le pire c'était encore la vaisselle. Je prenais les pots que je devais laver et je les enfermais dans un baluchon de tissu puis je les laissais aller au fil de l'eau dans la rivière proche, accrochés sous un bout de bois. Il y avait des rapides en aval. Le but que je me fixais était de récupérer la vaisselle avant qu'elle n'arrive là et bien sûr au dernier moment possible. Inutile de vous dire que je suis souvent revenue sans !
Elle soupira, les yeux brillant devant tous ces souvenirs. Mais son regard se perdit dans le vide.
- C'était un déchirement quand j'ai dû les laisser, reprit-elle d'une voix faible.
Une larme coula le long de sa joue. Les autres respectèrent ses pleurs en faisant silence. Puis la voix de Giro rauque et grave prit place et les deux jeunes filles s'allongèrent pour l'écouter plus confortablement.
- Je suis né dans le désert. Les Gerudo étaient dans l'ancien temps une tribu de femmes et se servaient des hommes uniquement pour faire survivre leur clan par delà les générations. Cependant une des chefs Karista s'éprit d'un homme à la fois beau et brave et usa de tout son pouvoir pour faire changer les esprits. Peu à peu les hommes eurent une place dans leur société, d'abord comme teneur de la maison puis comme gardes et enfin ils furent une composante des armées bien qu'en faible proportion, n'excédant pas vingt pourcent des effectifs. Les femmes dirigeaient toujours et les tâches de la maison revenaient toujours aux hommes mais une forme d'équilibre était tout de même en place. Mes parents étaient des gens simples, lui était soldat, elle était général. Ma mère montrait une grande douceur à mon égard mais pouvait aussi être dure et rigide face aux soldats qu'elle dirigeait. Notre maison se situait à l'extrémité ouest de la ville, juste à côté des remparts construits dans les temps anciens mais tombant en ruines sous la force des tempêtes de sable. La rénovation avait commencé mais par l'autre extrémité du mur, aussi étions-nous mal situés pour faire face aux éléments. Nous devions déménager le jour suivant pour partir dans un autre quartier et j'avoue que j'étais excité à l'idée d'être plus près du centre de notre cité. Mes parents sortirent avec les caisses contenant nos affaires et je restais un instant à regarder les fissures parcourant les murs ocres de notre maison à toit plat, la ligne rouge de peinture décrépie qui s'allongeait à mi-hauteur et le lézard qui aimait se poser sur le bord de la fenêtre au soleil. C'est là que j'entendis des hurlements de terreur et le bruit de bois brisé. Je sortis en courant pour recevoir du sang en plein visage. Mon père venait de mourir, la gorge tranchée par un monstre du désert, un Tarazor.
Voyant le regard interrogatif des jeunes filles derrière l'horreur et la compassion, il poursuivit en précisant.
- C'est un monstre de sable, il a souvent des débris de caravanes et des pierres coincés dans le corps. C'est avec une planche qu'il a égorgé mon père.
Il était tellement calme que ses amies tremblèrent comme si un vent gelé venait de les frapper.
- Je vis alors que mère se dressait devant lui, armée de son sabre qu'elle avait retiré d'une caisse brisée de notre déménagement. La colère et la tristesse étaient visibles dans ses yeux mais elle gardait son sang-froid. Après tout c'était une guerrière avant d'être une femme. J'ai voulu l'aider alors je me suis élancé en avant mais une main m'a retenue. Il y avait un homme dans un grand manteau blanc derrière moi. Il m'a dit que c'était inutile, que je n'aurais pas la force de vaincre cette créature. Je ne voulais pas l'écouter, j'ai essayé de le faire lâcher prise mais sa poigne était ferme et mes soubresauts n'ont rien changé à ma situation. Je me suis tourné vers lui et je lui ai demandé de me lâcher, c'est alors que j'ai entendu un cri faible et quand j'ai regardé à nouveau devant moi, ma mère était au sol, dans une mare de sang. Le monstre poursuivit sa route vers des habitations toutes proches. Je sentis la main me lâcher et quand je me retournais, l'homme en blanc avait disparu. J'ai longtemps cru que ça n'avait été qu'une hallucination causée par la peur, que c'était moi seul qui n'avait pas su me battre quand le moment était venu. J'enterrais mes parents, je creusais aussi une tombe pour moi, pour qu'on croit à ma mort et je partis loin du village, dans le désert où j'entraînais mon corps à survivre aux conditions extrêmes. J'y restais deux ans avant de me lancer à la recherche de maîtres d'arme pour entraîner ma technique maintenant que j'avais la préparation physique et l'âge nécessaires pour être accepté comme apprenti. A chaque fois, je demandais à apprendre et en échange je travaillais à diverses tâches pour payer mon entraînement. Certains hommes me demandèrent de me donner tout entier à l'apprentissage et me firent gratuitement don de leur savoir, cependant je faisais toujours en sorte de leur rendre divers services ou de rester après la fin de mon entraînement pour payer ma dette. Un jour des hommes habillés de blanc vinrent me trouver et tous les souvenirs de ce jour de deuil refirent surface. Il s'agissait des sages dont l'un d'eux était celui qui m'avait retenu. Il m'expliqua alors que la force s'acquiert en passant par de nombreux obstacles et en en sortant vainqueur ou en apprenant des erreurs qui nous ont perdu. Il me félicita pour ma capacité à conserver mon honneur car il m'avait surveillé toutes ces années et avait vu que je ne laissais jamais de dette derrière moi.
Je lui en ai voulu un moment mais je ne l'ai pas revu après cela, c'est un autre sage qui s'est occupé de parfaire mon entraînement et de me confier l'encyclopédie avant le jour de la cristallisation. Et puis il doit être mort désormais…
Ses poings se serrèrent subrepticement et un nouveau silence de réflexion s'installa. Enfin, Zinéta prit à son tour la parole et malgré la forte fatigue qui se lisait dans ses yeux et son attitude, sa voix était ferme et éveillée.
- Tout a commencé alors que je n'étais qu'un bébé. Ma mère est morte en me donnant la vie et alors que mon père était parti à son enterrement, un homme vêtu de noir entra dans la chambre où se trouvait mon berceau. Il y plaça un pendentif, bien dissimulé sous mon oreiller. Mon père le surprit en revenant plus tôt des funérailles et le fit fuir mais il ne vit pas l'étrange bijou. Quelques mois après je me débattis dans mon sommeil et mon père découvrit l'objet. Il le montra au mage le plus sage et puissant du Bourg d'Hyrule dans lequel nous vivions, qui lui apprit que c'était un artefact de magie noire qui empoisonnait les personnes situées près de lui très lentement. Il vint me voir et malgré que le sort n'ait pas été mortel il m'avait laissé une profonde révulsion à toute forme de magie noire. Toute approche de ce type de magie me causait des sueurs froides et même parfois des pertes de conscience.
- Ça explique tes réactions face au monstre du lac et aux Stalfos ! interrompit Line.
Zinéta se contenta de hocher la tête avant de poursuivre.
- Le mage essaya bien des incantations pour me guérir mais aucune ne fonctionna. Mon père était un homme ambitieux et il comptait bien me marier à un personnage puissant et riche de ce théâtre qu'est la cour du palais, aussi dissimula-t-il cette tare aux yeux de tous et dit seulement que j'avais la santé fragile quand je montrais des symptômes du sortilège. Moi-même je crus sa version des faits. Les sages vinrent chez nous et mon père se sentit heureux. Il n'aurait pas la joie de me marier à un puissant mais mon nom et par la même occasion le sien, entrerait dans la légende. C'était plus qu'il n'avait jamais espéré, aussi dissimula-t-il aux envoyés ma véritable maladie. Il mourut peu de temps après d'une cirrhose car il passait nombre de ses soirées à la taverne du poney blanc depuis la mort de ma mère, et même sur son lit de mort il refusa de me transmettre son lourd secret. A son enterrement je découvris une petite clé attachée à un pendentif à son cou et je la récupérais, ne sachant pas sa valeur. Les sages m'emmenèrent dès le lendemain pour m'entraîner mais je montrais de bonnes aptitudes à apprendre aussi j'eus fini un jour avant la date prévue. Ils m'accordèrent alors une requête et je demandais de retourner une dernière fois au Bourg afin de me recueillir sur les tombes de mes parents et de revoir une dernière fois la maison de mon enfance. C'est alors que je repensais à ce petit coffret qui était autrefois posé sur la coiffeuse de ma mère et que mon père m'avait toujours défendue d'ouvrir. Je le retrouvais caché sous son lit et l'ouvrit avec la petite clé récupérée autour de son cou. A l'intérieur se trouvait une lettre de mon père qui expliquait tout ce qu'il s'était passé, ainsi que le fameux pendentif ensorcelé. Je prévins immédiatement les sages mais il était déjà trop tard. Il ne restait que deux jours avant la mise en cristal et j'étais élue des déesses. Ils auraient pu, en me sacrifiant, faire passer mes pouvoirs à un autre mortel mais le temps manquait pour trouver le nouvel élu. Ils ont donc uniquement détruit le pendentif en espérant que cela dissiperait une partie du sort.
Un nouveau silence suivi ces paroles.
- Mais alors ? dit la fée étonnée. Il y a plus de trois élus.
- Pas vraiment. Mais si un élu meurt, les déesses choisissent un autre mortel ayant des prédispositions pour le remplacer. Ca aurait peut-être été mieux que je meure, dit Zinéta des larmes plein les yeux.
Giro attrapa la jeune fille et la serra dans ses bras tendrement. Line regarda cette scène et sourit mais on pouvait lire une profonde tristesse dans ses yeux. La fée alla se poser sur son épaule et déposa un baiser sur sa joue. Elle ressentit alors une douce chaleur la bercer et son regard brilla d'une flamme renouvelée puis une grande fatigue prit place et elle s'allongea et s'assoupit.
- Merci, souffla Zinéta rougissante.
- Ne dis plus de pareilles choses. Tu fais de ton mieux et nous réussirons.
Il lui sourit et elle fit de même. Ils restèrent un instant dans les bras l'un de l'autre puis Giro écarta doucement son amie et la fit s'allonger sur l'herbe cendrée.
- Repose-toi, je prends le premier tour de garde.
Zinéta hocha la tête et ferma ses yeux. Un instant après, sa respiration s'était ralentie et des rêves étreignaient son esprit épuisé.
Giro regarda le ciel sombre et la Lune. Des pensées recommencèrent à assaillir son esprit.
« Le combat avec le Dichentraure a dû nous faire repérer par l'ennemi. Tout était déjà compliqué mais cela va empirer. Il nous manque un artefact dont nous ignorons la position et on nous poursuit. Que faire ? » Il resta ainsi plongé dans des idées noires, essayant de trouver des solutions quand soudain ses yeux s'écarquillèrent. La plaine était pourtant calme alentours mais son esprit était frappé par un élément qu'il avait écarté. « La plaine est vaste, nous avons marché loin du lac alors comment ces monstres nous ont-ils découverts si tôt ?! Les sages nous avaient dit qu'on avait un bouclier de protection contre toute détection maléfique… alors comment ? ».
- Des Stalfos, s'écria Line, reprenant immédiatement sa mentalité de combattante courageuse devant le danger immédiat et sortant son épée de son fourreau.
Giro, posé comme à son habitude, voulut se saisir de sa dague, pendue habituellement à sa ceinture, dissimulée sous sa cape, mais sa main trouva du vide.
- Line, dit-il de sa voix grave. Tu as ma dague.
La jeune fille le regarda avec des yeux ronds et rougit en détournant les yeux.
- Je… Je l'ai oubliée dans le lac, bredouilla-t-elle.
- Super… C'est vraiment pas un bon jour.
- Ne t'en fais pas, je vais te protéger !
- Pense plutôt à Zinéta..., répliqua-t-il avec un regard froid.
- Mais…
Sa phrase fut interrompue par un autre soulèvement de terre et un deuxième Stalfos débuta sa sortie.
- On va la protéger tous les deux, ils nous attaquent sur plusieurs fronts…pas le choix, dit Giro pour couper court à la discussion.
Line se contenta de hocher la tête avant de concentrer son regard et son esprit sur le monstre d'os qui lui faisait face. C'était le premier des deux Stalfos et son corps était presque totalement à l'air libre. Raffermissant le maintien de sa lame, Line s'élança sans attendre, il fallait qu'elle en finisse au plus vite pour venir en aide à Giro. Elle abattit avec un cri son épée sur le crâne du monstre qui se fêla sous le choc mais cela sembla inefficace puisque les orbites vides continuaient de la fixer de toute l'intensité et la noirceur du pouvoir ténébreux qu'elles renfermaient. Sans perdre sa contenance elle réitéra le geste, espérant cette fois-ci couper en deux l'os déjà fragilisé. Mais sa lame en toucha une autre, le Stalfos avait bloqué son coup de la lourde claymore qui lui servait d'arme. La jeune fille recula dans un saut périlleux arrière et jaugea son adversaire qui était tout à fait à son niveau désormais. Il mesurait près de deux mètres cinquante et ses os luisaient d'une lumière fade, presque éteinte. Un pagne de tissu déchiré lui ceignait les hanches et il tenait son épée à deux mains mais avec une inattendue fluidité vis-à-vis de la lourdeur de l'arme. Sa claymore mesurait près d'un mètre soixante. Comparée à elle, celle de Line ressemblait à un cure-dent. Tout de suite elle pensa que malgré sa taille, sa maigreur morbide lui permettait de se mouvoir aisément et que sa force devait être impressionnante. Un coup la mettrait à terre sans aucune difficulté. De son pied droit elle creusa l'herbe pour avoir un meilleur appui puis elle s'élança vers le flan gauche du monstre, le plus éloigné de son arme. Le Stalfos fit tourner son épée et l'abattit, soulevant un nuage de cendres d'herbes rouges au passage. Mais à sa grande surprise Line n'était pas à l'endroit prévu, elle l'avait pris à contre-pied et avait subitement changé de trajectoire pour pouvoir toucher son bras. Malheureusement sa tactique n'avait marché qu'à moitié car le coup qu'elle avait porté n'avait suffit qu'à rompre le radius alors que le cubitus, légèrement lésé, tenait encore, laissant l'avant-bras réduit de moitié mais toujours capable de tenir la claymore. Elle s'était déjà écartée avant que le monstre ne tourne la tête. Il fallait maintenant user d'une autre feinte car il ne serait plus surpris par celle-là. Concentrée, le bruit de terre qui s'ouvre n'attira pas son attention. La jeune fille retourna l'épée dans sa main, tenant la lame vers le bas puis se précipita cette fois sur le flanc droit du Stalfos. Celui-ci réagit avec une attaque circulaire mais manqua à nouveau son coup. En effet, Line avait déjà plongé entre ses jambes et la claymore était passée bien au-dessus de sa tête. Elle en avait profité pour frapper l'arrière de la rotule squelettique et le coup avait été si puissant que le Stalfos s'écroula, privé de son tibia et de son pied gauche. Rageur, il voulut frapper avec toute sa force mais son cubitus se rompit et la lame se planta dans le sol aux pieds de la jeune fille. Elle s'approcha alors et coupa rapidement son cou avant d'enfoncer sa lame dans une de ses orbites, éliminant le monstre. Les os de celui-ci tombèrent en un petit tas qui s'effaça en poussières au premier souffle de vent.
Essoufflée mais encore vaillante, Line se retourna.
Giro était en train de se battre contre deux Stalfos… et à mains nues. Tel un félin, il se mouvait avec rapidité et précision, évitant coup sur coup et portant des attaques avec seulement deux de ses doigts sur des endroits précis des corps d'ossements. Il était vraiment doué en combat non aquatique. Line allait venir à son aide quand un bruit de terre retournée attira son attention et qu'un nouveau monstre sortit du sol. Les yeux de la jeune fille eurent juste le temps d'apercevoir son compagnon frapper à la nuque l'un des monstres et se figèrent sur son ennemi. Le son indistinct d'ossements qui tombent les uns sur les autres ainsi que la poussière qui s'envola dans le vent, lui indiquèrent que Giro était bien plus puissant qu'elle ne l'avait imaginé. Mais le monstre cadavérique sortit de terre plus vite que prévu et elle fut trop lente à se retourner. Elle n'eut le temps de voir que le tranchant de la lame arriver à sa tête. Cependant à quelques centimètres de son visage, l'arme s'arrêta et Line put voir la fée qui attaquait directement les globes oculaires du monstre à l'aide de Balicurex. Se posant à l'intérieur de l'un d'eux, elle transperçait de sa lame les infinies ténèbres de l'esprit torturé. Esquivant ensuite rapidement les doigts squelettiques, ses attaques reprenaient et le monstre géant semblait combattre un ennemi invisible tant ses mouvements étaient désordonnés. Line allait aider Giro quand un nouveau Stalfos apparut. Derrière elle, la fée venait d'enfoncer sa lame si profondément que le Stalfos s'effondra, perdant la magie qui l'animait.
Enfin les cinq créatures retournèrent à l'état de poussière. Line essuya la sueur qui perlait sur son front d'un revers de manche. Elle regarda sa tunique beige aux manches bouffantes marron qui avait peu à peu tourné à un tissu chiffonné et sale alors qu'une demi-heure avant un bain forcé l'avait rendue à nouveau présentable. La jeune fille soupira puis se tourna vers Zinéta qui, debout et tendue comme une statue, regardait le soleil se coucher. Alors qu'elle s'approchait, Giro s'adressa à elle de sa voix grave et froide.
- C'est le mieux que tu puisses faire ?
Sa tête tourna tellement vite pour lui faire face qu'un petit craquement se fit entendre. Gardant contenance devant la stupidité de la scène et espérant ne pas avoir de torticolis, elle effectua lentement une rotation dans l'autre sens afin de remettre sa tête dans l'axe de son corps.
- Que veux-tu dire par là ? répondit-elle froidement.
- Que tu utilises beaucoup trop de mouvements inutiles.
- Ah ! Parce que pour toi, virevolter à deux mètres de hauteur c'est pas inutile peut-être ?
Elle se rappelait des deux tours qu'il avait faits autour du cou ou plutôt de la colonne vertébrale du Stalfos, comme s'il s'agissait d'une barre d'acrobatie et ce uniquement pour porter un coup à la nuque du monstre.
- Bien au contraire. Si tu avais bien observé, tu aurais remarqué que l'énergie de la rotation m'a permis de porter un coup d'une puissance bien supérieure à la simple pichenette à laquelle ma force m'aurait limité.
Line ouvrit la bouche pour répliquer, mais se ravisa. Il n'avait pas tort.
- Tu… Tu voudrais bien m'apprendre ?
Giro la regarda droit dans les yeux.
- Non…
Il se retourna et partit auprès de Zinéta qui le regarda d'un œil vide.
- Qu'est-ce qui ne va pas ?
L'air apeuré et les larmes qui emplissaient ses yeux surprirent Giro.
- Qu'est-ce que nous allons devenir ? dit-elle d'une voix faible et tremblante de tristesse et de désespoir.
- Ne t'en fais pas, nous retrouverons l'artefact.
Au son des larmes de Zinéta, Line s'approcha et la prit contre elle. Mais la jeune fille la repoussa.
- Vous ne comprenez pas ! C'est la fin !
Line et Giro se regardèrent et virent la même chose : des masques d'incompréhension.
- La nuit tombe ! hurla Zinéta.
Ils se tournèrent vers le couchant pour voir les derniers rayons du soleil renforcer la rougeur des herbes de la prairie. « A-t-elle peur du noir ? » pensèrent les deux compagnons.
- Vous n'allez pas me dire que vous ne savez pas ça !
- Pas quoi ? demanda la fée presque à regret.
- Lorsque la nuit tombe, les monstres sortent de terre, comme dans la légende de Link.
- Tu veux dire que… qu'il y en aura d'autres ?
Ils se regardèrent tous : Line en sueur, la fée qui s'était posée sur son épaule, Zinéta plus blanche que jamais et Giro toujours droit et fier mais dont les yeux montraient une appréhension croissante.
- Il faut trouver un abri, déclara Line d'une voix forte qui fit sursauter ses compagnons. La fée, si tu veux bien survoler les environs en quête d'un tel lieu, nous effectuerons des recherches depuis le sol.
La créature féérique s'envola donc et les amis poursuivirent leur route. Cependant la nuit se faisait plus noire et bientôt le hurlement d'un loup retentit dans le gris de la plaine. Ils virent devant eux une forme sombre, il s'agissait de deux grands arbres morts qui étaient tombés l'un sur l'autre sous les assauts du vent ou d'autres forces moins naturelles. Leurs troncs faisaient bien deux mètres de diamètre et à l'endroit où ils se croisaient, leurs branches sans feuilles mêlées formaient un abri sombre. Ils s'enfoncèrent vite dans la ramure et se tapirent là, la fée les y rejoignit, elle n'avait rien vu aux alentours qui puissent servir. Ils restèrent là un instant, tremblants de froid et de peur. Des bruits de terre retournée commencèrent à transparaître dans la nuit, de plus en plus proches. Le son du fer de la claymore frappant l'os des jambes des Stalfos dans le balancier de leur marche, les herbes écrasées qui partaient en cendres. Ils rabattirent hâtivement des branches devant eux, espérant que le bois noir les cacherait mais sachant bien qu'ils restaient visibles. Line et Giro étaient devant, prêts à passer à l'assaut si cela s'avérait nécessaire, quand bien même ce serait vers une mort certaine. Les bruits de pas tournaient autour d'eux. Ils apercevaient ça et là des pieds blancs se reflétant sous la Lune. Bientôt une ronde traînante se forma avec pour centre leur abri. Ils étaient repérés.
Line mit la main à sa garde, Giro releva ses manches pour avoir une meilleure saisie et Zinéta cacha la fée dans son gilet pour que sa lumière ne soit pas visible. Ils virent clairement des pieds devant eux à cinq mètres. Ces derniers tournèrent vers eux et avancèrent, la lame d'une claymore refléta la lumière de la Lune, sa pointe traçant un sillon dans la terre alors que son propriétaire marchait. Le Stalfos s'arrêta, ils virent ses jambes se plier légèrement et deux orbites vides se fixèrent sur eux. C'est tout du moins ce qu'ils crurent. Passèrent sur eux conviendrait mieux car, ne semblant pas les voir, son « regard » poursuivit son cours et bientôt il se redressa et partit du même pas traînant, dans un concert de raclements d'os sur os. Surpris, Giro et Line se regardèrent puis se tournèrent vers Zinéta pour savoir ce qu'elle en pensait. C'est alors qu'ils se rendirent compte qu'elle s'était agenouillée, avait posé l'index de sa main droite sur son front et celui de sa main gauche sur son cœur. Elle murmurait des mots incompréhensibles pour eux mais qui ressemblaient à la consonance de l'Hylien ancien. Ses lèvres continuèrent de remuer et aucun de ses compagnons ne voulait la déranger. Bientôt le bruit de pas des Stalfos disparut dans la nuit. Zinéta rouvrit les yeux.
- Comment as-tu fait ça ? demanda Line en s'élançant pour prendre son amie dans ses bras.
- A vrai dire je ne sais pas trop, cette magie semblait enfouie dans mon inconscient et quand nous nous sommes retrouvés devant ce danger, les incantations sont sorties d'elle-même.
- C'était vraiment super ! s'écria à son tour la fée en sortant de sa cachette et en voletant joyeusement.
Giro se contenta de hocher la tête mais son ventre émit un gargouillis tout à fait audible. Ils s'installèrent donc et commencèrent à manger. Malgré le fait qu'ils devaient faire attention à se rationner, Line avala deux fois la quantité prévue pour le dîner. En effet le combat lui avait fait dépenser beaucoup de calories et elle était affamée. Zinéta lui légua une part de sa pitance même si Giro montrait son mécontentement à cette idée.
- Si tu acceptais de m'apprendre à combattre en réduisant le nombre de mes mouvements, ça ne se passerait pas ainsi, le charia Line.
Le jeune homme soupira en réponse et alla se poster à l'entrée de l'abri pour le premier tour de garde. Cependant après une demi-heure ils se rendirent bien compte qu'aucun d'entre eux ne trouvait le sommeil alors que l'avenir était si incertain.
- Je sais que nous faisons route ensemble vers une même destinée, commença Line d'une voix douce. Et pourtant, nous nous connaissons à peine.
Quelques instants de silence s'en suivirent avant qu'elle ne reprenne la parole.
- Je suis née dans un petit village de la forêt. J'avais cinq frères plus âgés que moi. Ma mère et mon père considéraient que ce qu'il fallait absolument apprendre à leurs enfants était l'amour, l'entraide et l'honnêteté. J'ai tout de suite préféré aider mes frères et mon père au grand désespoir de ma mère. A six ans je savais couper le bois, fabriquer des coutelas et divers objets dans des branches de bois. J'adorais m'entraîner au combat avec mes frères. Vers mes neuf ans, mes parents pensèrent qu'il était temps que j'apprenne plus sérieusement les tâches des femmes car sinon je ne serais jamais bonne à tenir une maisonnée. On tenta de m'apprendre à cuisiner de bons petits plats mais je préférais faire fumer de la viande pour partir à l'aventure et confectionner des pains de voyages. Pour la couture, je fabriquais uniquement des sacoches et des vêtements en cuir. Je crois que le pire c'était encore la vaisselle. Je prenais les pots que je devais laver et je les enfermais dans un baluchon de tissu puis je les laissais aller au fil de l'eau dans la rivière proche, accrochés sous un bout de bois. Il y avait des rapides en aval. Le but que je me fixais était de récupérer la vaisselle avant qu'elle n'arrive là et bien sûr au dernier moment possible. Inutile de vous dire que je suis souvent revenue sans !
Elle soupira, les yeux brillant devant tous ces souvenirs. Mais son regard se perdit dans le vide.
- C'était un déchirement quand j'ai dû les laisser, reprit-elle d'une voix faible.
Une larme coula le long de sa joue. Les autres respectèrent ses pleurs en faisant silence. Puis la voix de Giro rauque et grave prit place et les deux jeunes filles s'allongèrent pour l'écouter plus confortablement.
- Je suis né dans le désert. Les Gerudo étaient dans l'ancien temps une tribu de femmes et se servaient des hommes uniquement pour faire survivre leur clan par delà les générations. Cependant une des chefs Karista s'éprit d'un homme à la fois beau et brave et usa de tout son pouvoir pour faire changer les esprits. Peu à peu les hommes eurent une place dans leur société, d'abord comme teneur de la maison puis comme gardes et enfin ils furent une composante des armées bien qu'en faible proportion, n'excédant pas vingt pourcent des effectifs. Les femmes dirigeaient toujours et les tâches de la maison revenaient toujours aux hommes mais une forme d'équilibre était tout de même en place. Mes parents étaient des gens simples, lui était soldat, elle était général. Ma mère montrait une grande douceur à mon égard mais pouvait aussi être dure et rigide face aux soldats qu'elle dirigeait. Notre maison se situait à l'extrémité ouest de la ville, juste à côté des remparts construits dans les temps anciens mais tombant en ruines sous la force des tempêtes de sable. La rénovation avait commencé mais par l'autre extrémité du mur, aussi étions-nous mal situés pour faire face aux éléments. Nous devions déménager le jour suivant pour partir dans un autre quartier et j'avoue que j'étais excité à l'idée d'être plus près du centre de notre cité. Mes parents sortirent avec les caisses contenant nos affaires et je restais un instant à regarder les fissures parcourant les murs ocres de notre maison à toit plat, la ligne rouge de peinture décrépie qui s'allongeait à mi-hauteur et le lézard qui aimait se poser sur le bord de la fenêtre au soleil. C'est là que j'entendis des hurlements de terreur et le bruit de bois brisé. Je sortis en courant pour recevoir du sang en plein visage. Mon père venait de mourir, la gorge tranchée par un monstre du désert, un Tarazor.
Voyant le regard interrogatif des jeunes filles derrière l'horreur et la compassion, il poursuivit en précisant.
- C'est un monstre de sable, il a souvent des débris de caravanes et des pierres coincés dans le corps. C'est avec une planche qu'il a égorgé mon père.
Il était tellement calme que ses amies tremblèrent comme si un vent gelé venait de les frapper.
- Je vis alors que mère se dressait devant lui, armée de son sabre qu'elle avait retiré d'une caisse brisée de notre déménagement. La colère et la tristesse étaient visibles dans ses yeux mais elle gardait son sang-froid. Après tout c'était une guerrière avant d'être une femme. J'ai voulu l'aider alors je me suis élancé en avant mais une main m'a retenue. Il y avait un homme dans un grand manteau blanc derrière moi. Il m'a dit que c'était inutile, que je n'aurais pas la force de vaincre cette créature. Je ne voulais pas l'écouter, j'ai essayé de le faire lâcher prise mais sa poigne était ferme et mes soubresauts n'ont rien changé à ma situation. Je me suis tourné vers lui et je lui ai demandé de me lâcher, c'est alors que j'ai entendu un cri faible et quand j'ai regardé à nouveau devant moi, ma mère était au sol, dans une mare de sang. Le monstre poursuivit sa route vers des habitations toutes proches. Je sentis la main me lâcher et quand je me retournais, l'homme en blanc avait disparu. J'ai longtemps cru que ça n'avait été qu'une hallucination causée par la peur, que c'était moi seul qui n'avait pas su me battre quand le moment était venu. J'enterrais mes parents, je creusais aussi une tombe pour moi, pour qu'on croit à ma mort et je partis loin du village, dans le désert où j'entraînais mon corps à survivre aux conditions extrêmes. J'y restais deux ans avant de me lancer à la recherche de maîtres d'arme pour entraîner ma technique maintenant que j'avais la préparation physique et l'âge nécessaires pour être accepté comme apprenti. A chaque fois, je demandais à apprendre et en échange je travaillais à diverses tâches pour payer mon entraînement. Certains hommes me demandèrent de me donner tout entier à l'apprentissage et me firent gratuitement don de leur savoir, cependant je faisais toujours en sorte de leur rendre divers services ou de rester après la fin de mon entraînement pour payer ma dette. Un jour des hommes habillés de blanc vinrent me trouver et tous les souvenirs de ce jour de deuil refirent surface. Il s'agissait des sages dont l'un d'eux était celui qui m'avait retenu. Il m'expliqua alors que la force s'acquiert en passant par de nombreux obstacles et en en sortant vainqueur ou en apprenant des erreurs qui nous ont perdu. Il me félicita pour ma capacité à conserver mon honneur car il m'avait surveillé toutes ces années et avait vu que je ne laissais jamais de dette derrière moi.
Je lui en ai voulu un moment mais je ne l'ai pas revu après cela, c'est un autre sage qui s'est occupé de parfaire mon entraînement et de me confier l'encyclopédie avant le jour de la cristallisation. Et puis il doit être mort désormais…
Ses poings se serrèrent subrepticement et un nouveau silence de réflexion s'installa. Enfin, Zinéta prit à son tour la parole et malgré la forte fatigue qui se lisait dans ses yeux et son attitude, sa voix était ferme et éveillée.
- Tout a commencé alors que je n'étais qu'un bébé. Ma mère est morte en me donnant la vie et alors que mon père était parti à son enterrement, un homme vêtu de noir entra dans la chambre où se trouvait mon berceau. Il y plaça un pendentif, bien dissimulé sous mon oreiller. Mon père le surprit en revenant plus tôt des funérailles et le fit fuir mais il ne vit pas l'étrange bijou. Quelques mois après je me débattis dans mon sommeil et mon père découvrit l'objet. Il le montra au mage le plus sage et puissant du Bourg d'Hyrule dans lequel nous vivions, qui lui apprit que c'était un artefact de magie noire qui empoisonnait les personnes situées près de lui très lentement. Il vint me voir et malgré que le sort n'ait pas été mortel il m'avait laissé une profonde révulsion à toute forme de magie noire. Toute approche de ce type de magie me causait des sueurs froides et même parfois des pertes de conscience.
- Ça explique tes réactions face au monstre du lac et aux Stalfos ! interrompit Line.
Zinéta se contenta de hocher la tête avant de poursuivre.
- Le mage essaya bien des incantations pour me guérir mais aucune ne fonctionna. Mon père était un homme ambitieux et il comptait bien me marier à un personnage puissant et riche de ce théâtre qu'est la cour du palais, aussi dissimula-t-il cette tare aux yeux de tous et dit seulement que j'avais la santé fragile quand je montrais des symptômes du sortilège. Moi-même je crus sa version des faits. Les sages vinrent chez nous et mon père se sentit heureux. Il n'aurait pas la joie de me marier à un puissant mais mon nom et par la même occasion le sien, entrerait dans la légende. C'était plus qu'il n'avait jamais espéré, aussi dissimula-t-il aux envoyés ma véritable maladie. Il mourut peu de temps après d'une cirrhose car il passait nombre de ses soirées à la taverne du poney blanc depuis la mort de ma mère, et même sur son lit de mort il refusa de me transmettre son lourd secret. A son enterrement je découvris une petite clé attachée à un pendentif à son cou et je la récupérais, ne sachant pas sa valeur. Les sages m'emmenèrent dès le lendemain pour m'entraîner mais je montrais de bonnes aptitudes à apprendre aussi j'eus fini un jour avant la date prévue. Ils m'accordèrent alors une requête et je demandais de retourner une dernière fois au Bourg afin de me recueillir sur les tombes de mes parents et de revoir une dernière fois la maison de mon enfance. C'est alors que je repensais à ce petit coffret qui était autrefois posé sur la coiffeuse de ma mère et que mon père m'avait toujours défendue d'ouvrir. Je le retrouvais caché sous son lit et l'ouvrit avec la petite clé récupérée autour de son cou. A l'intérieur se trouvait une lettre de mon père qui expliquait tout ce qu'il s'était passé, ainsi que le fameux pendentif ensorcelé. Je prévins immédiatement les sages mais il était déjà trop tard. Il ne restait que deux jours avant la mise en cristal et j'étais élue des déesses. Ils auraient pu, en me sacrifiant, faire passer mes pouvoirs à un autre mortel mais le temps manquait pour trouver le nouvel élu. Ils ont donc uniquement détruit le pendentif en espérant que cela dissiperait une partie du sort.
Un nouveau silence suivi ces paroles.
- Mais alors ? dit la fée étonnée. Il y a plus de trois élus.
- Pas vraiment. Mais si un élu meurt, les déesses choisissent un autre mortel ayant des prédispositions pour le remplacer. Ca aurait peut-être été mieux que je meure, dit Zinéta des larmes plein les yeux.
Giro attrapa la jeune fille et la serra dans ses bras tendrement. Line regarda cette scène et sourit mais on pouvait lire une profonde tristesse dans ses yeux. La fée alla se poser sur son épaule et déposa un baiser sur sa joue. Elle ressentit alors une douce chaleur la bercer et son regard brilla d'une flamme renouvelée puis une grande fatigue prit place et elle s'allongea et s'assoupit.
- Merci, souffla Zinéta rougissante.
- Ne dis plus de pareilles choses. Tu fais de ton mieux et nous réussirons.
Il lui sourit et elle fit de même. Ils restèrent un instant dans les bras l'un de l'autre puis Giro écarta doucement son amie et la fit s'allonger sur l'herbe cendrée.
- Repose-toi, je prends le premier tour de garde.
Zinéta hocha la tête et ferma ses yeux. Un instant après, sa respiration s'était ralentie et des rêves étreignaient son esprit épuisé.
Giro regarda le ciel sombre et la Lune. Des pensées recommencèrent à assaillir son esprit.
« Le combat avec le Dichentraure a dû nous faire repérer par l'ennemi. Tout était déjà compliqué mais cela va empirer. Il nous manque un artefact dont nous ignorons la position et on nous poursuit. Que faire ? » Il resta ainsi plongé dans des idées noires, essayant de trouver des solutions quand soudain ses yeux s'écarquillèrent. La plaine était pourtant calme alentours mais son esprit était frappé par un élément qu'il avait écarté. « La plaine est vaste, nous avons marché loin du lac alors comment ces monstres nous ont-ils découverts si tôt ?! Les sages nous avaient dit qu'on avait un bouclier de protection contre toute détection maléfique… alors comment ? ».