Je me réveillai en sentant ce rien qui entoure la fin du sommeil et le début de l’éveil. Peu à peu, je fus à nouveau consciente de mes muscles, de mon état, de mon corps. J’éventrai soigneusement la torpeur qui tentait de m’englober en son sein et entreprit le difficile effort d’ouvrir mes paupières. La lumière frappa mes pupilles qui se rétractèrent sous le choc, m’arrachant du même coup un grognement sonore. Mon bras se leva instinctivement avant de s’abattre sur l’autre moitié du lit, celle où était étendu un oreiller encore aplati par mes coups. Il n’était pas revenu finalement. Je griffai les draps, arrachant la housse du matelas et m’enroulant dedans. Je glissai du lit et tombai dans un bruit mat du corps qui s’affale sur du tissu puis sur le sol. Je ne sais pas combien de temps je restais là. Je ne m’endormais pas, restant dans un état second, conscient et insoumis à la réalité.
Un bruit vibra dans mon oreille, la pluie au dehors qui battait sur le pavé, sur le balcon et sur mon esprit endolori. Pas question de bouger ! Je remuai violemment, tentant de m’extirper de mon cocon, grognant, geignant et finalement hurlant. Je n’ai jamais su d’où venait ce cri, mais il me surprit moi-même. Une sorte de bestialité et une douleur en émanaient comme des grandes lettres écrites au-dessus de moi, comme un néon lumineux clignotant dans une nuit noire, comme le sifflet d’un train dans le matin d’hiver après la tombée de la neige. Mes pleurs se joignirent au concert et je vibrai et je tremblai de tout ce que j’avais accumulé, je frappai le cocon de tissu dont je n’arrivai pas à sortir, je me tordis en vain. J’écoutai la pluie, douce dans sa chute, dure dans sa rencontre avec le sol. Au milieu de la pluie, il y avait cette gouttière, celle qui contient des feuilles mortes accumulées, voire un cadavre de piaf, celle qui à ce moment précis jouait pour moi une tendre symphonie. Je l’écoutais longtemps, la nuit tomba, je m’endormis, je me réveillai, je me rendormis.
Je me réveillai en sentant ce rien qui entoure la fin du sommeil et le début de l’éveil. Peu à peu, je fus à nouveau consciente de mes muscles, de mon état, de mon corps. La pluie avait continué, j’écoutai sa mélodie, cherchant les notes de la gouttière. A nouveau je tentai de m’extirper de ma prison de tissu, cette fois-ci en gardant mon calme. Je senti que quelque chose avait changé en moi durant cette nuit. Il y avait quelque chose dans la tristesse qui m’emplissait, comme une mélodie de gouttière. Etrangement elle me donnait de la joie, une sorte d’espérance insensée. Je me rappelai ce choix qu’on a de continuer à vivre, de garder en soi les souvenirs heureux ou tristes, de ressentir et de chercher quelque chose. Mes pensées vagabondèrent vers les coins de ma mémoire, les projets souvent reportés, les folies que je n’avais pas encore faites. Je serai triste c’est sûr mais ce sera mieux que ce vide qui m’étreignit cette nuit-là.
Les tissus s’écartèrent, révélant mon corps ankylosé. Je me levai d’un coup, basculai, me rattrapai, courus le long du couloir, amenant des paroles aux bords de mes lèvres avant de les ravaler sans un bruit. Je me précipitai aux toilettes et m’assis sur le trône. Alors je ris, et je ris fort, de ce rire de soulagement qui suit les tourments. Il avait fallu, pour me sortir de ma torpeur sans vie, une mélodie des gouttières qui me donna envie de pipi.
terre-vue-d-anouck
Des mots couchés sur pixel
Lundi 23 août 2010 à 23:32
Commentaires
Par Mercredi 8 septembre 2010 à 20:00
le Huhu merci bien!
Par Jeudi 9 septembre 2010 à 5:35
le Oh, j'aime beaucoup :)
Par Jeudi 9 septembre 2010 à 9:02
le Merci :)
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En tous cas c'est toujours aussi bien écrit *-*