Le ventriloque sourd sentait dans son ventre vibrer la saveur des mots. Dans les yeux des gens se trouvait le ton juste, dans son talon posé sur le sol remontaient les applaudissements. Entouré d'une brume d'émotions et de sensations, le battement de l'air, le souffle des sentiments. Il n'aimait pas le silence pour les autres, aussi le rire était son allié. Il appréciait par contre le fait qu'il en jouissait autant qu'il le voulait car le monde auquel il avait accédé était plus juste et coloré que celui d'avant.
Lentement s'insinuaient jusqu'à lui sourires et soupirs dans une turbulence éolienne, impatiences et crispations dans le tremblement du sol, en une vague de formes indistinctes et brèves, difficiles à traduire et pourtant… Les yeux de la réalité, le souffle de l'indistinct mêlés dans un fleuve mouvant qui apporte une vérité que seul celui qui écoute vraiment peut entendre. Cette atmosphère et ambiance ressentie sans pouvoir la définir et qui recèle beaucoup plus d'informations que ce qui est lu en elle. Il était curieux car il savait que jamais une réalité n'existerait pour elle et comme un homme devant les livres de toutes les connaissances il s'imprégnait de ce qu'il pouvait récolter.
Le ventriloque était sourd mais le pantin qui prolongeait son bras ne l'était pas. De bois creux étaient sa tête, son buste et ses membres, et en lui semblaient vibrer et résonner tant de sons qu'il était à la fois entendant et parlant. La douce symphonie du bois courant chaque nervure, chaque écharde, mêlant en lui les paroles des hommes, malaxant et puisant en elles pour les transformer en un chant de forêt. Il était le pantin dans la vie d'un sourd emplie de mélodies.
terre-vue-d-anouck
Des mots couchés sur pixel
Mardi 10 août 2010 à 23:03
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